Le poisson pourrit toujours par la tête. Cet adage s’applique à la perfection au milieu du sport, qui dégage une odeur nauséabonde avec l’accumulation de scandales.

Que le patron de Hockey Canada s’accroche à son poste ne fait que prouver à quel point les fédérations sportives sont habituées d’imposer leur culture de contrôle.

Que le conseil d’administration de Hockey Canada n’ait pas le courage de lui montrer la porte démontre le peu de recul de ses membres face aux dirigeants dont ils devraient pourtant être les chiens de garde.

Comment peuvent-ils ignorer les voix qui s’élèvent de toutes parts — à juste titre – pour réclamer un grand ménage à la toute-puissante fédération ?

En comité parlementaire, cette semaine, les députés de tous les partis demandaient sa tête dans une rare unanimité.

Et la pression monte dans les associations régionales de hockey, notamment au Québec, qui s’insurgent que les cotisations versées par les parents aient servi, à leur insu, à régler des plaintes de nature sexuelle. En 33 ans, l’organisme a versé en catimini pas moins de 12 millions de dollars dans 22 dossiers, ce qui démontre le caractère systémique du problème.

Si la ministre fédérale des Sports, Pascale St-Onge, n’a pas le pouvoir de mettre les dirigeants de Hockey Canada à la porte, elle peut — et elle devrait — se pencher sur l’attitude de Sport Canada, organisme fédéral dont l’aveuglement ne date pas d’hier en matière de violences physiques, psychologiques et sexuelles.

Il est inconcevable que Sport Canada, qui était au courant depuis quatre ans des allégations de viol collectif par huit joueurs de hockey après un gala sportif à London, soit resté les bras croisés sans rien dire, malgré l’extrême gravité de ce cas.

Quand Hockey Canada l’a informé de la plainte, en 2018, Sport Canada n’a jamais cru bon d’en avertir la ministre de l’époque, Kirsty Duncan. Ironiquement, celle-ci venait tout juste d’émettre une consigne forçant les organismes à divulguer immédiatement à la ministre « tout incident relevant du harcèlement, de l’abus ou de la discrimination ».

Manifestement, Sport Canada n’a pas lu le mémo, car l’actuelle ministre n’a été mise au courant de « l’incident » que quelques jours avant que le scandale éclate dans les médias.

Pendant ces quatre années, Sport Canada a dormi sur le dossier. Imaginez-vous le message qu’une telle inaction envoie aux jeunes qui sont victimes d’abus et qui hésitent à déposer une plainte ! Comment des victimes peuvent-elles espérer recevoir de l’aide quand l’organisme qui chapeaute tous les sports au pays laisse pourrir un dossier aussi grave ?

Il est temps de sortir le monde du sport de sa léthargie une bonne fois pour toutes. Dans le passé, les offensives pour réduire les abus sont souvent retombées à plat, faute de suivi.

C’est toujours la même histoire. Un scandale éclate. Les médias s’emparent de l’affaire. Le public est outré. Face à la pression, le gouvernement impose des changements. Mais sur le terrain, ces belles politiques font face à la résistance des fédérations sportives dont les dirigeants, jaloux de leur indépendance, n’aiment pas la supervision externe et indépendante.

Alors, ils n’appliquent pas les règles. Et Sport Canada ne fait pas le suivi. Résultat ? Peu de choses changent… jusqu’au prochain scandale. Et le cycle recommence.

C’est ce qui s’est produit au milieu des années 1990, quand une série de scandales a éclaboussé le sport canadien. Entre autres, le joueur de hockey Sheldon Kennedy, qui a évolué pendant 10 ans dans la Ligue nationale, a marqué les esprits lorsqu’il a révélé avoir été victime d’agressions sexuelles par son entraîneur dans le junior majeur.

En 1996, le gouvernement a réagi en édictant des mesures très avant-gardistes pour l’époque. Par exemple, les fédérations avaient l’obligation d’élaborer et de rendre publique une politique contre les abus. Elles devaient aussi désigner des responsables aptes à recevoir les plaintes d’athlètes sans que les victimes subissent de représailles de la part des entraîneurs.

Les fédérations ont reçu du financement pour mettre les règles en application, un financement qui était d’ailleurs conditionnel à ce que les fédérations présentent un rapport annuel à Sport Canada pour prouver l’application de ces règles.

Mais devinez quoi ?

Vingt ans après ces belles avancées, des chercheurs ont démontré que les règles étaient très peu suivies. Le plus choquant, c’est que Sport Canada a continué de leur verser l’argent sans jamais leur faire de reproche, rapportent des professeurs de l’Université de Toronto dans une récente étude.

Quand on vous dit que l’aveuglement volontaire ne date pas d’hier…

Pendant ce temps, les abus se poursuivent. Les accusations pleuvent. En gymnastique, en boxe, en bobsleigh, en natation artistique…

Dans bien des fédérations, les dirigeants ont le même mauvais réflexe de cacher les problèmes sous le tapis pour ne pas ternir leur organisation. Mais le poisson continue de pourrir. Et l’odeur finit toujours par se répandre.

Si on veut de véritables changements, des changements durables, il faut commencer par la tête. Par l’organisme qui surveille tous les sports au pays. Mais qui a trop souvent les yeux fermés.

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