Sur papier, le projet de former un nouveau parti politique au centre de l’échiquier politique canadien a du mérite. Le clivage politique actuel a de quoi dérouter bien des électeurs qui ne se reconnaissent plus dans les partis.

Pour garder le volant de son gouvernement minoritaire, le Parti libéral a embarqué dans le siège passager le Nouveau Parti démocratique (NPD) qui lui a fait prendre un virage à gauche, en continuant à faire le plein de dettes.

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Pierre Poilievre, candidat à la course à la direction du Parti conservateur du Canada

Pour sa part, le Parti conservateur a pris une sérieuse tangente à droite avec le candidat à la course à la direction Pierre Poilievre qui multiplie les déclarations populistes dangereuses, comme son appui au convoi des camionneurs qui ont pris d’assaut Ottawa ou sa sortie pour réclamer la démission du gouverneur de la Banque du Canada.

Au lieu de profiter de cette course pour faire mousser la popularité de leur parti, les conservateurs se sont déchirés entre eux sur la place publique.

Ils se retrouvent aujourd’hui en baisse de quatre points dans les intentions de vote, selon un récent sondage Léger.

Le contexte leur était pourtant favorable, avec la grogne contre les libéraux qui ne parviennent même pas à s’acquitter de la bonne livraison des services publics, que ce soit dans les bureaux des passeports ou les aéroports qui débordent.

Mais quand on écoute les audiences de la commission sur le 6-janvier décortiquer l’assaut du Capitole par les partisans de Donald Trump, quand on voit le premier ministre britannique Boris Johnson forcé de démissionner sous une pluie de scandales, on se dit qu’on n’a vraiment pas besoin d’une version canadienne de ce genre de dirigeant populiste.

Sauf que l’élection de Jean Charest à la tête du Parti conservateur paraît encore plus difficile depuis l’exclusion du candidat Patrick Brown, sur fond d’allégations de financement illégal. C’est que les partisans de l’ancien maire de Brampton qui auraient placé Jean Charest comme deuxième choix risquent de ne pas voter du tout.

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Jean Charest, candidat à la course à la direction du Parti conservateur du Canada

Advenant une défaite de Jean Charest, l’aile plus modérée du parti pourrait donc être tentée de former un nouveau parti, à l’image de la Coalition avenir Québec (CAQ), en rassemblant tant les conservateurs que les libéraux insatisfaits. C’est l’idée que met de l’avant Tasha Kheiriddin, coprésidente de la campagne de Jean Charest, dans son récent ouvrage The Right Path.

Mais la route est loin d’être tracée d’avance.

Il faut bâtir une plateforme, trouver du financement, dénicher des candidats vedettes…

Et une nouvelle coalition du centre devrait se lever de bonne heure pour recruter des élus libéraux, puisque la fracture du Parti conservateur leur assurerait les clés du gouvernement pour un bon bout de temps.

Qui voudra prendre le beau risque de créer un nouveau parti, sachant le temps et l’énergie qu’il faut y mettre ?

Après la fondation de la CAQ en 2011, François Legault a mis sept ans pour prendre le pouvoir. En France, Emmanuel Macron est parvenu plus rapidement à gagner le pouvoir en pulvérisant les partis traditionnels qui déclinent partout à travers le monde.

Mais Jean Charest ne peut pas se présenter comme un candidat du renouveau. De toute façon, aura-t-il vraiment envie de relancer un parti de zéro, à 64 ans, comme il l’a fait en 1993 lorsqu’il s’est retrouvé à la tête du Parti progressiste-conservateur qui ne comptait plus que deux députés ?

Depuis le début de la campagne, il donne l’impression de se présenter pour ce parti qui n’existe plus, en séduisant davantage les électeurs libéraux que les conservateurs qui viennent d’éjecter leur ancien chef Erin O’Toole, trop au centre à leur goût.

Mais peu importe que le mouvement vienne d’un parti traditionnel ou d’une nouvelle formation politique, il serait souhaitable que le gouvernement canadien revienne au centre de l’échiquier politique. Si on veut avancer, ce n’est pas en divisant le pays qu’on y arrivera. Mais en trouvant des terrains d’entente.

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