Cet été, l’équipe éditoriale de La Presse vous propose une série de textes sur la densification urbaine comme clé pour venir à bout de la crise du logement, un enjeu répandu dans l’ensemble du Québec qui sera certainement au cœur de la prochaine campagne électorale.

Le meilleur indice pour savoir si votre quartier a été conçu de façon assez dense : vos enfants et leurs amis vont-ils tous à l’école à pied ?

Dans n’importe quelle grande ville au Québec, les enfants devraient pouvoir marcher pour aller à l’école primaire. Parce qu’on a construit de façon assez dense pour que toutes les maisons et les logements soient situés près de l’école.

En 1971, environ 80 % des enfants de 7-8 ans au pays marchaient pour se rendre à l’école.

Cette proportion a chuté de façon importante.

En 2008, environ 30 % des enfants marchaient pour se rendre à l’école primaire (2 % prenaient aussi le vélo), selon une étude du professeur d’urbanisme Paul Lewis. Il n’y a pas de chiffres plus récents (le ministère de l’Éducation du Québec ne connaît pas le pourcentage des élèves du primaire qui marchent pour aller à l’école), mais la tendance ne s’est certainement pas inversée.

« Je suis qui, moi, pour dire à une jeune famille : vu que la mode est à la densification, tu vas aller vivre dans une tour de 12 étages ? »

La déclaration du ministre des Transports du Québec, François Bonnardel, sur la densification a beaucoup fait jaser. Examinons-la, car il n’est pas seul à penser ainsi au Québec. Pour densifier, il faudra convaincre beaucoup de gens sceptiques que leurs craintes ne sont pas justifiées.

Oublions un instant les immenses avantages collectifs à densifier, par exemple de contribuer à la lutte contre les changements climatiques. Et abordons le débat d’un point de vue strictement individuel.

Dans sa déclaration, le ministre Bonnardel présente uniquement les inconvénients individuels de la densification… sans parler des avantages individuels !

Avoir des quartiers plus denses à Sherbrooke, Gatineau, Québec, Laval ou Rimouski permet d’avoir des services publics à quelques minutes de marche. Le meilleur exemple : l’école primaire. Si les enfants peuvent y aller en marchant, on facilite la vie des familles, on favorise l’activité physique et on lutte contre l’obésité.

Mais ce n’est pas tout. Dans un quartier assez dense, d’autres services publics (ex. : garderie) et de proximité (ex. : épicerie, pharmacie, dépanneur) s’installent à quelques minutes de marche.

Les familles font alors la quasi-totalité de leurs activités quotidiennes à pied. Leurs voitures sortent de moins en moins de leur stationnement, car le quartier est assez dense pour être bien desservi en transports en commun et par un service d’autopartage (ex. : Communauto).

Dans un tel quartier, les familles économisent des centaines de dollars par mois en se départant d’une deuxième auto ou en évitant d’un acheter une. Elles demandent même si elles ont vraiment besoin d’une auto à temps plein, ou si un cocktail transports en commun et autopartage ferait l’affaire…

Ça exige évidemment de penser, de planifier, d’aménager nos quartiers différemment. De faire des concessions pour freiner l’étalement urbain. D’avoir parfois des édifices de quelques étages, et davantage de petites maisons de ville. D’accepter que les terrains soient plus petits ou partagés. De remplacer les grandes cours individuelles par des espaces communs.

Pour que les citoyens bénéficient pleinement des avantages de la densification, les villes doivent bien la planifier. L’exemple à ne pas suivre : l’un des quartiers les plus denses du Québec, Griffintown à Montréal, qui n’a pas encore d’école primaire.

Cette vision d’une densité bien planifiée est accessible à toutes les grandes villes du Québec. On sent d’ailleurs un vent de changement en matière d’urbanisme. Cette semaine, Laval a présenté un nouveau plan d’urbanisme afin de verdir la ville et réduire la place de l’auto et des stationnements. C’est un excellent premier pas, une vision rafraîchissante. Ça veut dire que les choses sont en train de changer. Mais il ne faut pas s’arrêter en si bon chemin : Laval et les autres villes du Québec doivent aussi prendre le virage de la densification intelligente.

Si les villes prennent ce virage, dans quelques années, une écrasante majorité des petits Québécois marcheront peut-être à nouveau pour aller à l’école primaire.

Parce qu’on leur a aménagé des quartiers denses et modernes.

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  • 2,4 fois plus cher
    Pour les villes, offrir les services municipaux pour un logement en banlieue coûte 2,4 fois plus cher que dans un quartier urbain. Dans la région métropolitaine d’Halifax, le coût annuel des services municipaux était de 1416 $ par logement dans un quartier urbain, contre 3462 $ par logement en banlieue, selon une compilation du Smart Property Institute.