Il aura finalement fallu une pandémie et un petit séisme provoqué par la Cour suprême américaine pour huiler le mécanisme d’accès à l’avortement au Québec.

Comprenons-nous bien : l’accès est exemplaire quand on le compare au reste du Canada, et encore plus aux États-Unis. Et rien ne laisse supposer que ce principe sera remis en question, ni maintenant ni à l’avenir.

Mais… il y a toujours place à l’amélioration.

Depuis 2018, le Québec était le seul endroit au Canada qui posait deux conditions préalables à un avortement. La première : une consultation avec un professionnel de la santé spécialement formé en interruption volontaire de grossesse (IVG). La seconde : une échographie avant de choisir la méthode d’avortement, médical (avec la pilule abortive) ou chirurgical.

La pandémie a évidemment forcé tout le monde à faire les choses autrement. Ainsi, en 2020, lorsqu’il a permis à ses membres de mener des consultations à distance pour éviter d’encombrer inutilement cliniques et hôpitaux, le Collège des médecins a également suspendu l’obligation de l’échographie préalable à l’avortement.

Deux ans plus tard, c’est une décision de la Cour suprême américaine qui nous force à nous interroger sur l’accessibilité à l’avortement. Ça tombe bien, le Collège avait lui aussi amorcé cette réflexion. Et son président, le DMauril Gaudreault, peut déjà nous l’assurer : l’obligation de passer une échographie avant un avortement ne sera pas rétablie.

C’est une bonne nouvelle… dont les implications doivent néanmoins être suivies de près.

La levée de cette restriction permettra donc aux femmes qui préfèrent un avortement médical d’interrompre plus rapidement une grossesse — une situation où, évidemment, chaque semaine compte.

La pilule abortive (à ne pas confondre avec la « pilule du lendemain », qui doit généralement être prise dans les 72 heures après une relation sexuelle non protégée) est prescrite dans les cas où la grossesse ne dépasse pas neuf semaines.

La nature étant ce qu’elle est, il n’est pas toujours facile de déterminer le stade d’une grossesse au moment où le test s’avère positif… Ainsi, il arrive que des patientes qui estiment en être à la sixième semaine de grossesse découvrent avec surprise, lors de l’échographie, qu’elles en sont plutôt à 12 ou 13 semaines. Ou que la gestation se développe hors de l’utérus (grossesse ectopique), auquel cas la pilule abortive sera inefficace.

C’est aussi à cela que sert l’échographie préalable à l’avortement, plaide France Désilets, directrice de la Clinique Morgentaler à Montréal. Avec un portrait plus précis, la patiente peut faire un choix mieux éclairé.

Vrai, nous répond la sage-femme Mélina Castonguay, de l’organisme Les Passeuses. L’échographie est un outil important qui doit rester accessible, surtout dans les cas particuliers comme ceux où il est difficile de déterminer le stade de la grossesse. Mais elle n’a pas besoin d’être obligatoire dans tous les cas. Un argument auquel s’est rangé le Collège des médecins.

Cette décision devrait donc faire en sorte que la pilule abortive sera beaucoup plus souvent prescrite qu’elle ne l’est actuellement.

L’accessibilité à ce traitement sûr et efficace (même au-delà de neuf semaines, dans certains cas) ne doit évidemment pas se faire au détriment d’un encadrement adéquat offert avant et après l’intervention.

Et elle ne doit pas non plus se faire au détriment de l’accès à un avortement chirurgical. Ailleurs dans le monde, les contraintes d’accès à la pilule abortive ont été allégées justement parce qu’il était impossible d’offrir des avortements chirurgicaux convenables. Si moins d’avortements chirurgicaux sont nécessaires au Québec, ils pourraient devoir être regroupés dans un plus petit nombre de cliniques, réduisant ainsi l’accessibilité à ces soins, surtout en région.

Ce serait dommage d’ajouter des kilomètres alors qu’on souhaite gagner du temps…

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