Le Québec a révoqué pratiquement autant de brevets d’enseignement en cinq ans que l’Ontario en 2020, nous apprenait cette semaine la collègue Marie-Eve Morasse1. Entre 2017 et juin 2022, 33 enseignants ont perdu le droit d’enseigner au Québec (dont 4 en 2020), alors que la sanction s’est appliquée à 28 enseignants ontariens durant la seule année de 2020.

Comment expliquer une telle différence entre les deux provinces ?

Les enseignants québécois sont-ils plus vertueux que leurs homologues ontariens ? Le système québécois parvient-il plus efficacement à éviter de délivrer un brevet d’enseignement à un individu qui ne le mérite pas ? Les parents québécois sont-ils davantage satisfaits du travail des enseignants ?

Il faudrait une analyse fine de la mécanique disciplinaire entre les deux provinces pour comprendre pourquoi, en apparence du moins, les enseignants ontariens sont plus souvent punis que leurs homologues québécois.

Retenons toutefois un principe élémentaire : pour qu’un comportement soit sanctionné, il faut d’abord qu’il soit porté à l’attention des autorités compétentes.

Et au Québec, on le sait, le processus de plainte en milieu scolaire est notoirement obscur et fastidieux.

Au Québec, les plaintes concernant les services éducatifs sont surtout gérées par les instances locales, soit l’école ou le centre de services scolaire. Le ministère de l’Éducation hérite de cas très graves, voire criminels – les brevets d’enseignement de ces derniers cas ne sont donc pas nécessairement révoqués en raison du dépôt d’une plainte, mais souvent à la suite de décisions judiciaires. De fait, la majorité des brevets (tant du côté québécois qu’ontarien d’ailleurs) ont été révoqués en raison « d’antécédents judiciaires » ou de « comportements de nature sexuelle ».

Très peu de plaintes pour faute grave d’un enseignant atterrissent sur le bureau du ministre. En 2020, le ministère de l’Éducation du Québec a reçu cinq plaintes « envers des enseignants qui auraient commis une faute grave ou un acte dérogatoire à l’honneur ou à la dignité de la fonction enseignante ». Les autres plaintes pour des comportements moins graves ont été gérées par les instances régionales. Combien de plaintes ? De quelle nature ? On l’ignore.

Pendant cette même période en Ontario, l’Ordre professionnel des enseignants a étudié 625 plaintes envers des enseignants. La grande différence avec le Québec est que les audiences et les décisions disciplinaires de l’Ordre sont publiques – ce qui permet à tous de comprendre exactement ce qui est reproché à l’enseignant. Ou, plus simplement, où se situe « la ligne », « à quoi il faut faire attention, quoi ne pas faire », a expliqué à notre journaliste Gabrielle Barkany, porte-parole de l’Ordre des enseignants de l’Ontario.

Au Québec, faut-il le rappeler, aucun registre de plaintes envers les enseignants n’existe.

Pour savoir comment tel comportement a été sanctionné (ou non) par les directions, il faut faire des démarches auprès des écoles et des centres de services scolaires. Il existe plus de 3000 écoles (primaires, secondaires, centres de formation professionnelle) rattachées à quelque 70 centres de services scolaires… Et chacun dispose de son « protecteur de l’élève ».

Bien sûr, le futur Protecteur national de l’élève, qui entrera en poste en 2023, doit justement servir à combler ces lacunes. Son rôle sera notamment de faire en sorte que les protecteurs régionaux (qui ne relèveront plus des centres de services) se concertent pour harmoniser leurs décisions et, surtout, les faire connaître du public. Le Ministère espère aussi réduire les délais dans le traitement des plaintes.

Comme la CAQ a renoncé à soumettre les enseignants à un ordre professionnel, il faut donc espérer que ce Protecteur national de l’élève saura gagner à la fois la confiance des citoyens et le respect des personnes à qui ils confient leurs enfants.

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