Ce n’est pas parce qu’on obtient une bonne note à l’examen de conduite théorique qu’on réussit automatiquement l’examen pratique.

La ministre des Affaires municipales et de l’habitation, Andrée Laforest, et la ministre de la Culture, Nathalie Roy, ont fait du bon travail avec la nouvelle Politique nationale de l’architecture et de l’aménagement du territoire. Le document d’une trentaine de pages dévoilé hier brosse un portrait assez juste des défis qui attendent les décideurs en matière de développement et d’aménagement. Mais concrètement, il faudra attendre l’hiver 2023 pour découvrir le Plan d’action du gouvernement Legault et les mesures qui l’accompagnent. À condition que la CAQ soit réélue, bien entendu.

Dire que cette politique était attendue est un euphémisme. La politique d’aménagement du Québec datait de 43 ans et les dernières modifications remontaient au milieu des années 1990, à une époque où on se souciait peu d’étalement urbain ou d’urgence climatique.

Le document gouvernemental dévoilé hier reflète bien le travail de consultation réalisé par les ministres. On y fait les constats qui s’imposent, à savoir qu’on ne peut plus développer les villes et les villages comme avant. L’étalement urbain est coûteux pour le Québec, affirme-t-on. Il hypothèque les ressources et les finances de la province. La nouvelle politique insiste sur l’importance de limiter l’étalement urbain en orientant le développement « vers des milieux déjà dotés d’infrastructures et de services publics ». On insiste aussi sur l’importance de la qualité de vie des citoyens qui devraient pouvoir habiter à proximité des services et pouvoir se déplacer tout en limitant leurs émissions de GES. On souligne enfin l’importance de mieux protéger les milieux agricoles et naturels.

De la part d’un gouvernement pour qui les questions environnementales ne sont pas une priorité, c’est un grand pas qu’il faut saluer.

Cela dit, on note plus souvent le mot « fierté » que les mots « urgence climatique » dans cette nouvelle Politique, une indication que le gouvernement Legault ne prend pas encore toute la mesure du virage à effectuer au cours des prochaines années.

En fait, cette nouvelle vision de l’aménagement du territoire semble avoir été rédigée avec le souci de ne pas trop brusquer les membres les plus conservateurs du caucus caquiste, les François Bonnardel, François Legault et autres ministres qui pensent que la densification « est une mode » ou que la construction de nouvelles infrastructures routières est incontournable.

Le diable est dans les détails : on affirme qu’il faut tenir compte des « particularités régionales ». Est-ce une porte ouverte pour justifier le troisième lien qui répondrait à la particularité de la Capitale-Nationale ? On le saura après les élections d’octobre prochain…

Comme le premier ministre François Legault a déjà annoncé ses couleurs en déclarant le mois dernier à la tribune de l’Union des municipalités qu’il n’y aurait pas de nouveau pacte fiscal avec les villes, il ne faut pas non plus s’attendre à un changement philosophique de ce côté-là.

Et si la nouvelle politique insiste sur l’importance de l’architecture, on reste vague sur les moyens qui seront consacrés à la protection du patrimoine.

Un enjeu important quand on voit le nombre d’immeubles démolis en toute impunité au cours des dernières années.

Enfin on ne sent pas de véritable volonté de planifier le développement du territoire en partenariat avec les communautés autochtones. On se contente de dire qu’elles seront « consultées », une approche qui n’est plus acceptable en 2022.

On découvrira la vraie teneur de cette nouvelle politique d’aménagement du territoire en 2023, ce qui est regrettable puisque ce sont des enjeux – pensons seulement à la crise du logement – qui devraient être débattus en campagne électorale.

Son succès repose sur les épaules du prochain titulaire des Affaires municipales. Il faudra une ou un ministre animé d’une véritable volonté de changement pour que les constats contenus dans ce document se traduisent en mesures concrètes. Et il faudra un vrai leadership pour influencer positivement un caucus qui devra être convaincu.

Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion