La nouvelle mouture du projet de loi C-21 sur les armes à feu représente un tel changement de position du gouvernement Trudeau qu’on croirait Paul qui a eu une révélation sur le chemin de Damas !

À commencer par le gel national de l’achat d’armes de poing, qui a été la plus grande surprise de cette annonce. L’idée de pelleter le dossier dans la cour des villes, proposée l’an dernier, était un non-sens. Nous étions parmi ceux qui l’avaient dénoncée.

Le nouveau projet de loi va aussi rendre obligatoire le programme de rachat des armes d’assaut qui sont interdites au pays.

Dans la première mouture, il devait être volontaire (et donc, forcément, moins efficace).

Le gouvernement libéral a aussi décidé de révoquer automatiquement le permis d’une personne visée par une ordonnance de protection ou impliquée dans un acte de violence conjugale ou de harcèlement. On peut donc penser que cela se fera plus systématiquement qu’à l’heure actuelle.

Ce ne sont pas des changements cosmétiques. Le virage est prononcé. Il importe de le saluer.

La coordonnatrice du groupe Poly se souvient, Heidi Rathjen, ne cachait pas son enthousiasme lorsque nous lui avons parlé mercredi. « Pour la première fois en 20 ans, on se sent écoutées », a-t-elle lancé.

Le projet de loi peut encore être amélioré, disent ceux qui réclament un meilleur contrôle des armes à feu (et ils ont raison), mais il représente un « changement marqué dans la posture des libéraux ».

Sur cette question, il faut le dire, la formation politique revient de loin. L’an dernier, après le dévoilement de la première version de la législation, quelques dizaines de survivantes de Polytechnique avaient prévenu Justin Trudeau qu’elles n’accepteraient plus d’être vues avec lui lors des prochaines commémorations annuelles.

C’est certain, ce virage est dû à la déception et à la colère provoquées par la première mouture du projet de loi. Il est aussi lié, vraisemblablement, au constat que la majorité des Canadiens réclament des mesures de contrôle des armes à feu plus strictes.

Les tueries sanglantes qui ont lieu à répétition chez nos voisins du Sud et la hausse du nombre de crimes commis avec des armes à feu dans certaines grandes villes canadiennes – dont Montréal – ne sont certainement pas étrangères au consensus qui est en train de se former de ce côté-ci de la frontière sur la question.

Il est clair, avec ce nouveau projet de loi, qu’on cherche à se démarquer de la situation qui prévaut aux États-Unis.

Le gouvernement fédéral est en train de nous dire plus clairement que jamais que posséder une arme à feu, ici, c’est un privilège. Pas un droit.

Il s’agit d’un choix de société légitime. On va éliminer les armes d’assaut et plafonner le nombre d’armes de poing. Un net progrès, alors que leur popularité était croissante.

En revanche, ces mesures n’auront pas un impact majeur sur la réduction des crimes commis avec des armes à feu. Il n’y a qu’un faible pourcentage d’armes légales qui sont utilisées pour ces crimes.

Pour ça, il faudra continuer de renforcer les contrôles frontaliers pour lutter contre la contrebande d’armes à feu ; on estime que 85 % des armes illégales proviennent des États-Unis. La lutte contre ce trafic doit être davantage soutenue et financée.

Parallèlement, Ottawa devrait resserrer les règles qui entourent l’achat de pièces d’armes à feu par des citoyens canadiens qui n’ont pas de permis, mais qui peuvent alors se débrouiller pour fabriquer une arme.

Il sera aussi important de trouver de nouvelles façons de s’attaquer au problème de la banalisation des armes à feu, phénomène toxique et affligeant.

Mais ce n’est pas parce que ce projet de loi est incomplet qu’il s’agit d’un coup d’épée dans l’eau, comme certains l’ont soutenu. Le chemin se construit en marchant, dit-on.

Et voici qu’Ottawa vient de faire un pas dans la bonne direction.

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