Des hockeyeurs qui auraient commis un viol collectif peuvent-ils jouer dans la Ligue nationale comme si de rien n’était ?

C’est la question à laquelle la Ligue nationale de hockey (LNH) devra répondre au cours de l’été.

Dans ce dossier, le récit de la présumée victime est horrifiant.

À l’été 2018, après un gala de Hockey Canada, huit joueurs de hockey junior (dont certains de l’équipe nationale junior) auraient agressé sexuellement une jeune femme. Ils la rencontrent dans un bar, lui paient des verres. Elle est en état d’ébriété avancé, parle difficilement, perd l’équilibre. L’un des joueurs l’amène dans sa chambre d’hôtel. Il aurait ensuite fait entrer sept autres joueurs. Selon la version de la présumée victime dans des documents judiciaires, les huit joueurs auraient eu des relations sexuelles avec elle sans son consentement. Elle pleure, tente de quitter, se dit « manipulée, intimidée » pour rester dans la chambre.

En avril dernier, la présumée victime poursuit au civil Hockey Canada, la Ligue canadienne de hockey et les huit joueurs (qui ne sont pas nommés) pour 3,5 millions de dollars. Un mois plus tard, Hockey Canada règle hors cour. On ne veut pas dire s’il y a une entente de confidentialité.

Hockey Canada ne veut rien dire de plus sur cette affaire. Circulez, il n’y a rien à voir.

Si l’excellent journaliste Rick Westhead, de TSN, n’avait pas dévoilé l’affaire la semaine dernière, personne n’en aurait entendu parler.

C’est délicat de se prononcer sans avoir tous les faits. Mais dans ce dossier, une question s’impose : Hockey Canada a-t-il acheté le silence de la présumée victime avec une entente de confidentialité ? On ne le sait pas.

Si ces allégations de viol collectif sont assez sérieuses pour que Hockey Canada règle hors cour en un mois, elles le sont pour qu’il y ait une véritable enquête indépendante. Qui déterminerait, à la prépondérance des probabilités, si des agressions sexuelles ont été commises dans cette chambre d’hôtel. Si c’est le cas, Hockey Canada et la LNH pourront ensuite sanctionner les coupables.

Hockey Canada se défend en disant avoir effectué une enquête indépendante en 2018 à laquelle la présumée victime aurait « choisi » de ne pas participer. La présumée victime, elle, a une autre version des évènements : Hockey Canada n’aurait rien fait. (Hockey Canada n’a pas dévoilé les résultats de son enquête de 2018.)

Comme Hockey Canada ne semble plus très intéressé à aller au fond des choses – ce qui est un très gros problème en soi –, quelqu’un de plus responsable devra le faire à sa place.

Ça devrait être le gouvernement fédéral, qui supervise les associations sportives comme Hockey Canada.

Ça devrait aussi être la LNH, où évoluent aujourd’hui 20 des 22 joueurs d’Équipe Canada Junior 2018. C’est la LNH qui peut imposer les sanctions les plus sévères au plan sportif. Détail important : la grande majorité des joueurs d’Équipe Canada Junior 2018 étaient majeurs au moment des faits allégués.

Pour toutes sortes de raisons, toutes les agressions sexuelles ne font pas l’objet d’un procès criminel. Dans ce dossier, la présumée victime n’a pas porté plainte à la police. C’est son droit le plus strict.

Mais ça ne devrait pas permettre à des organisations comme Hockey Canada et la LNH de se fermer les yeux quand il y a des allégations aussi sérieuses à l’égard de ses athlètes. Les agresseurs sexuels doivent être punis par leurs organisations sportives – au terme d’une enquête sérieuse et indépendante –, même si une victime ne porte pas plainte au criminel.

Au baseball majeur, le lanceur Trevor Bauer vient d’être suspendu sans solde pour deux ans en raison d’allégations d’agression sexuelle et de violence conjugale, même si le procureur n’a pas porté d’accusations criminelles. La LNH devrait s’inspirer de cette décision du baseball majeur. Et envoyer un message clair que les agresseurs sexuels ne seront pas tolérés sur la glace.

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