Il y a quelque chose de franchement désolant à entendre François Legault nous raconter des histoires de peur à propos de l’immigration.

Selon le premier ministre, le Québec risque de devenir « une Louisiane » si Ottawa ne lui cède pas les pleins pouvoirs en immigration. Oui, oui, la Louisiane ! Là où il ne reste pas même 5 % de francophones. Pour le chef caquiste, il s’agit d’une « question de survie pour notre nation ». Rien de moins.

Voyons donc ! Est-ce qu’on peut arrêter cette campagne de peur ?

À quatre mois des élections, on comprend que la Coalition avenir Québec (CAQ) se cherche une nouvelle chicane fédéral-provincial pour fouetter ses troupes. Mais est-ce vraiment le bon moyen de stimuler le sentiment nationaliste et la fierté québécoise ? Non !

Au contraire, en jouant au bonhomme Sept-Heures, la CAQ risque d’alimenter la colère des Québécois qui, fort heureusement, restent majoritairement ouverts à l’immigration. Même davantage qu’ailleurs au pays, selon un sondage Environics.

Sauf qu’en cassant inutilement du sucre sur le dos des immigrants, on nourrit un sentiment malsain qui va dans le sens contraire de l’inclusion et de la cohésion sociale.

Si Québec désire contrôler davantage l’immigration, il pourrait commencer par mieux utiliser l’Accord Canada-Québec, conclu en 1991, au lieu de menacer de le déchirer en lambeaux pour rapatrier tous les pouvoirs au Québec.

Ce serait bien plus efficace que les tactiques acrimonieuses de la CAQ qui ne mèneront nulle part, de toute façon. Soyons francs, même si François Legault obtient un mandat fort comme les sondages actuels le lui prédisent, Ottawa ne changera pas d’idée.

Aucun pays ne peut céder l’ensemble de ses pouvoirs en immigration, qui soulèvent une foule d’enjeux nationaux et internationaux : contrôle des frontières, engagements humanitaires, santé et sécurité, etc.

Et de toute manière, ce ne serait pas dans l’intérêt du Québec de déchirer cet accord très payant. L’an dernier, Ottawa a versé une compensation de 650 millions à la province qui s’occupe, en échange, de l’intégration et de la francisation des arrivants. De quoi rendre jaloux le reste du Canada !

Si la CAQ est préoccupée par l’avenir du français, elle devrait donc commencer par utiliser à bon escient l’ensemble de cette généreuse enveloppe au lieu d’en laisser une partie dans son fonds consolidé, comme en ce moment.

Québec pourrait aussi mieux huiler les rouages de cet accord, ce qui lui permettrait de resserrer son contrôle sur l’immigration, sans s’embarquer dans des négociations quasi constitutionnelles.

En ce moment, la CAQ déchire sa chemise à propos des réunifications familiales, qui sont clairement du ressort d’Ottawa. Mais que ferait-elle au juste si elle avait le contrôle ? Fermer la porte au nez du conjoint d’un citoyen québécois parce qu’il ne parle pas français serait indigne. Et ça ne changera rien au portrait de la société québécoise. Tout cela n’est qu’une tempête dans un verre d’eau.

Québec ferait mieux de regarder du côté de l’immigration temporaire, qui a connu un essor fulgurant ces dernières années en vertu de programmes contrôlés par le fédéral.

En 2019, 62 000 résidents non permanents se sont ajoutés au Québec, soit davantage que le seuil de 40 000 immigrants permanents accepté par Québec sur lequel le débat est souvent focalisé. Et par la suite, ces immigrants non permanents ont de meilleures chances d’obtenir leur résidence permanente, ce qui crée un système d’immigration à deux vitesses.

Or, Québec ne donne pas sa bénédiction avant l’arrivée de tous les résidents temporaires. Pourtant, en interprétant bien l’article 22 de l’Accord Canada-Québec, la province pourrait exiger plus de contrôle.

Au lieu de réclamer à grands cris des pouvoirs qu’il n’obtiendra pas, Québec devrait utiliser ceux qui se trouvent déjà dans sa boîte à outils.

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