Vous espériez – enfin – du changement sur la question du harcèlement sexuel et des inconduites sexuelles au sein des Forces armées canadiennes ? Vous ne devriez peut-être pas lire le rapport de Louise Arbour à ce sujet.

Le constat de cette juriste renommée est affligeant.

Dans ce nouveau rapport, on parle encore de la culture toxique et sexiste des Forces armées au pays.

On confirme encore que « beaucoup de femmes vivent du harcèlement et de la discrimination sur une base quotidienne ».

Et on constate encore que certains membres des forces armées, surtout les femmes, « ont plus à craindre, au jour le jour, de leurs collègues que des combattants ennemis ».

On vous avait prévenu, c’est démoralisant. Mais attendez, ce n’est pas tout.

Dans le cadre de cet « examen interne indépendant » – d’une rigueur remarquable –, des centaines d’entrevues ont été menées. Et on utilise à certains endroits dans le rapport des citations qui, sur papier, font l’effet de pièces à conviction accablantes.

Une femme citée a par exemple raconté qu’au sein des Forces armées, un homme « peut être perçu comme stoïque et énergique tandis qu’une femme est perçue comme une garce ». Et cette femme de préciser : « Plus tôt dans ma carrière, on m’a dit que j’avais trois choix : être une salope, une garce ou une gouine. »

On rapporte aussi des commentaires d’anciens officiers supérieurs qui montrent à quel point la volonté de changement est quasi inexistante. L’un dit que l’expression employée au sein des Forces armées était qu’il fallait tout bonnement « ajouter des femmes à l’équation ». Un autre rapporte qu’il était surtout important « d’avoir l’air d’agir ».

Ce qui inquiète le plus, c’est que cet examen indépendant survient après nombre d’autres enquêtes, rapports et recommandations qui, visiblement, n’ont pas donné grand-chose.

C’est embarrassant. Et disons que ça soulève certains doutes quant au sort du nouveau rapport. Rappelons qu’il y a sept ans, celui de la juge Marie Deschamps avait été couvert d’éloges, mais était resté pratiquement sans suite.

La question a d’ailleurs été soulevée lundi à Ottawa. La ministre de la Défense, Anita Anand, a répondu d’un ton ferme, en pesant ses mots. « Ce rapport ne sera pas mis sur une tablette », a-t-elle dit avant d’en vanter les mérites.

Le travail de Louise Arbour, qui recommande notamment que toutes les plaintes pour inconduite sexuelle et harcèlement soient retirées du système de justice militaire, a été qualifié de feuille de route par la ministre.

Elle a aussi soutenu que l’équipe en place – elle a nommé le chef d’état-major de la Défense, Wayne Eyre, et le sous-ministre Bill Matthews – allait faire une différence.

Mais c’est plausiblement Anita Anand elle-même qui est susceptible de faire la plus grande différence. Elle jouit d’une excellente réputation à Ottawa depuis son passage comme ministre des Services publics et de l’Approvisionnement en pleine pandémie. Et elle semble aussi faire preuve d’un mélange de détermination et de dynamisme depuis son arrivée à la Défense.

Elle aura fort à faire.

Son prédécesseur, Harjit Sajjan, s’est cassé les dents sur ce dossier. Sous sa gouverne, alors qu’on parlait publiquement de la nécessité de changer de culture, les scandales d’inconduites sexuelles ont continué à se multiplier, mettant en cause plusieurs militaires de haut rang.

Comme quoi se fier uniquement aux responsables des Forces armées pour changer la donne serait faire preuve d’angélisme. Et comme quoi le gouvernement libéral ne peut certainement pas être cru sur parole dans ce dossier.

La ministre Anand a annoncé lundi que l’implantation de 17 des 48 recommandations du rapport était déjà amorcée et qu’on nommerait un contrôleur externe, tel que réclamé par Louise Arbour, pour superviser la mise en œuvre de l’ensemble du contenu du rapport. Celui-ci pourrait être promis à un avenir plus brillant grâce à cette idée.

Les conditions gagnantes ne sont peut-être pas toutes réunies pour un nécessaire changement de culture. N’empêche qu’il y en a un assez grand nombre, cette fois, pour faire preuve d’un optimisme prudent.

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