Il y a deux façons de voir la nouvelle promesse de Québec de réduire de moitié la liste d’attente pour un médecin de famille.

Les pessimistes diront qu’il s’agit de vœux pieux qui permettent à la Coalition avenir Québec (CAQ) de sauver la face, elle qui avait promis un médecin de famille à chaque Québécois aux plus récentes élections. Il s’agit d’un échec total, car la liste est deux fois plus longue qu’au début de son mandat : on y trouve désormais presque 1 million de patients.

Les optimistes, dont nous sommes, jugeront que l’entente annoncée dimanche entre la CAQ et la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ) est la première étape d’une véritable optimisation de la pratique de la médecine familiale qui pourrait déboucher vers une nouvelle méthode de rémunération plus efficace.

Que dit cette entente de principe ?

Les omnipraticiens s’engagent à prendre en charge 500 000 patients d’ici le 31 mars 2023, en commençant par les plus vulnérables. Ces patients seront suivis non pas par un médecin en particulier, mais par un groupe de médecine familiale (GMF) qui dispose d’une équipe interdisciplinaire pour l’appuyer.

Ce principe d’interdisciplinarité, tout à fait souhaitable, est lié à la hanche avec la « capitation », un système par lequel les médecins sont payés un montant forfaitaire pour chaque patient pris en charge.

Plusieurs pays comme le Royaume-Uni en font grand usage. L’Ontario a pris le virage il y a plus de 15 ans. Mais le Québec est en retard, avec seulement 33 % de la rémunération des médecins de famille à forfait.

Chez nous, les médecins sont encore principalement payés à l’acte. Or, ce mode de rémunération qui compte plus de 11 000 actes est devenu une vraie tour de Babel.

De plus, il comporte des effets pervers, car un médecin de famille qui voit beaucoup de cas complexes ne sera pas payé beaucoup plus que celui qui multiplie les visites de routine avec une clientèle jeune et sans problème.

Avec la « capitation », on pourrait verser un montant forfaitaire en fonction du degré de vulnérabilité des patients pris en charge. Cette méthode encouragerait donc les médecins à optimiser leurs rendez-vous, afin d’ajouter le maximum de patients sur leur liste. Et pas que des cas simples.

Au lieu du protectionnisme créé par le paiement à l’acte, la rémunération forfaitaire favoriserait la délégation des tâches à d’autres professionnels qui peuvent s’en occuper aussi bien.

Des exemples ?

Les pharmaciens pourraient ratisser plus large pour le renouvellement des ordonnances.

Les infirmières spécialisées pourraient s’occuper de cas simples, comme une otite ou une infection urinaire.

Les psychologues pourraient épauler les personnes souffrant d’anxiété qui consultent à répétition leur médecin.

Cela dégagerait l’agenda des médecins, qui pourraient se consacrer aux cas qui nécessitent absolument leur attention. Bien sûr, l’interdisciplinarité ne réglera pas tout, car la pénurie de main-d’œuvre frappe aussi tous les autres spécialistes de la santé.

Mais on peut aussi alléger le fardeau des omnipraticiens en réduisant le gaspillage.

Des idées ?

Cesser les rendez-vous annuels inutiles et les rencontres qui servent uniquement à dévoiler des résultats de tests normaux.

Automatiser le dépistage, comme c’est déjà le cas pour le cancer du sein, qui est sous la coupe d’un organisme central. Un système semblable devrait être implanté pour le cancer colorectal.

Et surtout, arrêter de demander aux médecins de famille de jouer à la police pour les compagnies d’assurance qui leur font perdre leur temps avec des formulaires.

Au lieu de remplir de la paperasse, les médecins doivent se concentrer sur des tâches à valeur ajoutée pour leurs patients.

La rémunération forfaitaire les mènerait dans cette direction. Mais comme n’importe quel mode de rémunération, elle n’est pas parfaite.

Pour s’assurer que les médecins de famille n’ajoutent pas des patients à leur liste sans avoir le temps de les voir, il faut avoir les systèmes en place pour mesurer leur performance. Il faut prévoir une réduction du forfait si les patients sont forcés de consulter ailleurs.

En ce sens, le projet de loi 11 donnera au ministre de la Santé et des Services sociaux davantage d’informations sur la pratique des médecins. Et ce sera une autre pierre qui ouvrira la voie vers un meilleur mode de rémunération.

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