Il est possible d’être à la fois enthousiaste et sarcastique à l’égard de l’annonce du lancement des négociations finales pour l’achat des F-35.

On peut sincèrement s’enthousiasmer de voir qu’on s’approche de l’objectif d’acheter le meilleur avion sur le marché pour remplacer les CF-18 vieillissants des forces armées canadiennes.

Mais on peut aussi se permettre une bonne dose de sarcasme parce qu’Ottawa aurait dû faire l’acquisition de ces avions de chasse il y a de nombreuses années. Et se désoler de voir que les pilotes canadiens, au lieu de rouler en Ferrari, sont encore coincés au volant d’une voiture d’occasion à la fin de sa vie utile.

Nous avons déjà déploré en éditorial, il y a près de six ans – soit avant que les délires de Vladimir Poutine ne rappellent à quel point le renouvellement de notre flotte d’avions de chasse est vital –, qu’il était navrant qu’un enjeu de sécurité nationale comme celui-ci fasse les frais d’une joute politique partisane.

Lisez notre éditorial « Super Hornet : y a-t-il un pilote dans l'avion ? »

Nous le pensons encore.

Souvenons-nous qu’en 2015, Justin Trudeau (alors candidat) avait diabolisé les F-35. Il prétextait que leur achat serait un « cauchemar pour les contribuables ». Et il avait promis qu’il ne ferait pas l’acquisition de cet avion.

Les bons gouvernements sont capables de renier leurs mauvaises promesses. C’est ce qui s’est produit dans ce dossier. Tant mieux.

Étant donné le manque de professionnalisme affiché par les libéraux dans ce dossier lors de la décennie précédente, ceux-ci ne devraient pas s’étonner de voir certains se méfier de la façon dont Ottawa va gérer la fin de cette trop longue saga.

D’aucuns se demandent par exemple pourquoi le gouvernement n’a pas, dès cette semaine, annoncé fermement qu’il allait acheter les F-35 au constructeur Lockheed Martin pour qu’on en finisse une bonne fois pour toutes.

N’est-ce pas là une autre preuve d’amateurisme ? Ou du moins une preuve d’un manque de volonté politique, qui pourrait compromettre la livraison de ces nouveaux avions de chasse qu’on nous promet maintenant d’ici 2025 ?

Pas nécessairement. C’est peut-être le contraire, en fait. Comme quoi les échecs peuvent servir à s’améliorer.

En affirmant qu’il conserve la possibilité d’opter pour un plan B (l’achat des Gripen de Saab), le gouvernement se donne un plus grand pouvoir de négociation. Une marge de manœuvre pour dire non si la proposition n’est pas assez généreuse.

Faire preuve d’adresse demeure fondamental, car l’étape des négociations est cruciale. Il en va de ce que le Canada pourra soutirer comme retombées sur le plan économique, mais aussi sur le plan technologique.

On parle tant de l’implication des entreprises d’ici dans la construction des F-35 que dans l’entretien et dans l’entraînement des pilotes.

Prenons un exemple concret. Ce sont des travailleurs de Mirabel, employés de l’entreprise L3Harris, qui s’occupent actuellement de l’entretien des CF-18. La question de savoir qui sont ceux qui vont prendre la relève et où ils seront situés est tout sauf banale.

D’autant plus que l’entretien des F-35 est onéreux. À Ottawa, on soutient actuellement que le contrat de 19 milliards de dollars comprend les coûts d’entretien. On ne sait toutefois pas quelle est la durée du contrat couverte par cette somme, ce qui pourrait influer grandement sur le coût total.

Par ailleurs, l’Association Internationale des machinistes et des travailleurs de l’aérospatiale rappelait en début de semaine que plusieurs entreprises canadiennes produisent déjà des composants du F-35. C’est notamment le cas, à Longueuil, de Pratt & Whitney et de Héroux-Devtek.

Est-ce que l’achat de 88 avions par Ottawa pourrait permettre de faire augmenter la production de composants faits ici par les entreprises qui participent au programme des F-35 ?

Il y a quelques années, à voir comment Ottawa gérait le dossier des F-35, on s’est demandé s’il y avait un pilote dans l’avion. Fort heureusement, il semble désormais y en avoir un.

On comprend toutefois que la mission de ce pilote est loin d’être terminée. Il va devoir manœuvrer habilement pour faire atterrir ce dossier d’ici la fin de l’année.

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