Le Québec a dit non au mégaprojet de GNL-Québec. Il a aussi fermé la porte au développement des hydrocarbures.

Certains Québécois ont pu en conclure que la transition énergétique se ferait au détriment de l’économie. À ceux-là, le gouvernement Legault prépare une réplique. Cette réplique, c’est la filière de la batterie électrique.

Voir le Québec tenter de faire sa place dans ce nouveau créneau industriel, malgré les risques que cela comporte, est enthousiasmant.

En entrevue éditoriale, lundi, le ministre de l’Économie, Pierre Fitzgibbon, a exposé sa vision à ce sujet. Flanqué de Guy LeBlanc et d’Hubert Bolduc, respectivement d’Investissement Québec et d’Investissement Québec International, M. Fitzgibbon a répondu longuement à nos questions.

Dans cette vision, le Québec tire du lithium, du graphite, du nickel et du cobalt de son sous-sol. Il les transforme en cathodes et en anodes, les pôles positifs et négatifs qui font fonctionner les batteries.

Avec les réserves connues, le Québec pourrait fabriquer plus de 4 millions de batteries par année. Considérant qu’une batterie se vend environ 9000 $ et que l’anode et la cathode comptent pour la moitié des coûts, on parle de revenus d’environ 18 milliards. De quoi combler une partie de l’écart de richesse entre le Québec et l’Ontario, un objectif-phare de la CAQ.

Dans le meilleur des mondes, des batteries complètes sont assemblées ici. Et elles sont placées sous le capot des autobus électriques de Lion Électrique et des motomarines (électriques elles aussi !) de BRP.

Le Québec veut aussi se positionner dans la future industrie du recyclage de batteries électriques, ce qui permettrait de fabriquer de nouvelles batteries sans avoir à exploiter des mines.

Aucun doute : c’est un beau rêve. Mais avec l’ambition viennent aussi les risques. Il y a évidemment les milliards d’argent public (on ignore encore les sommes exactes) pompés dans l’aventure.

On a en tête l’usine Magnola, soutenue par nos impôts et inaugurée en grande pompe en 2000, qui s’est rapidement retrouvée le bec à l’eau quand la Chine a fait chuter les prix du magnésium.

Dans le cas de l’industrie de la batterie électrique, les risques ne sont pas que financiers. Le développement des mines de graphite, en particulier, se fait souvent dans des régions connues pour leur villégiature (Laurentides, Lanaudière, Outaouais). Cela soulève des enjeux environnementaux et d’acceptabilité sociale qui ne doivent pas être escamotés.

En pleine pénurie de main-d’œuvre, il faudra aussi trouver les travailleurs qualifiés pour faire fonctionner cette nouvelle filière.

Mais on aurait tort de reprocher à nos élus de voir grand et de vouloir créer de la richesse. Surtout qu’on parle ici d’un plan qui nous sortirait d’une tendance longtemps dénoncée au Québec : celle de vendre nos ressources naturelles sans les transformer.

Pour l’instant, c’est un peu comme si le ministre Fitzgibbon et ses acolytes avaient déposé les pièces d’un immense jeu d’engrenages sur une table. Il reste à les faire fonctionner individuellement et, surtout, ensemble.

Le grand défi actuel ? « C’est l’exécution », affirme d’ailleurs le ministre.

Du côté minier, des acteurs comme Nemaska Lithium, Sayona Mining ou Nouveau Monde Graphite tirent ou tireront bientôt des ressources du sol.

Un élément crucial de la chaîne sera l’usine de Nemaska Lithium de Bécancour censée transformer le lithium en hydroxyde pouvant être utilisé par les fabricants de batteries. Pour l’instant, c’est encore un rêve.

Ce mois-ci, deux pièces essentielles se sont ajoutées quand les groupes GM-POSCO et BASF ont tous deux annoncé des usines de cathodes à Bécancour.

On souhaite que ces multinationales s’approvisionnent en minéraux québécois, mais rien ne les empêche d’acheter leurs matières premières en Chine ou ailleurs, ce qui rendrait leur présence ici beaucoup moins intéressante.

Une usine d’assemblage de batteries ? Ce serait un complément intéressant et on comprend qu’Investissement Québec mène des discussions à ce sujet. Mais pour l’instant, c’est l’Ontario qui a réussi à en attirer une grâce à son industrie automobile.

Le ministre Fitzgibbon ne semble pas trop inquiet, soulignant que le Québec ne peut pas tout avoir et que la fabrication de cathodes et d’anodes représente le gros du coût d’une batterie. L’Ontario, en effet, peut être vu comme un partenaire plutôt qu’un compétiteur.

Dans tous les cas, il faut saluer la volonté du gouvernement Legault de travailler à positionner le Québec dans une industrie qui se trouve du bon côté du virage énergétique. Et si on craint les risques, songeons qu’il y en a aussi à rester immobile pendant que le monde se transforme.

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