Ils ont des problèmes de comportement graves. Leur entourage s’est éloigné avec le temps. Leur famille, submergée, les a confiés aux soins du Curateur public. Aujourd’hui, ces gens se retrouvent à la dérive, perdus dans le dédale d’un système qui ne sait pas comment veiller sur eux.

Nous avons déjà dénoncé les graves manquements du Curateur public à l’endroit de ses pupilles. Les reportages de nos collègues Katia Gagnon et Caroline Touzin ont révélé qu’une cinquantaine d’entre elles se retrouvaient en situation d’itinérance, que le Curateur avait échoué à remplir sa mission d’accompagnement. Et qu’il n’avait pas sonné l’alarme pour dire qu’il était dépassé par la tâche.

Lisez notre éditorial à ce sujet

Nos collègues sont revenues à la charge la semaine dernière avec un autre reportage tout aussi révoltant. Elles racontent qu’une quarantaine de personnes souffrant de problèmes de déficience intellectuelle et de troubles de comportement sévères, sous la tutelle du Curateur public, se retrouvent en détention. Elles y sont soumises à des conditions inacceptables qui menacent leur sécurité et leur intégrité. Elles ne reçoivent ni le soutien ni les services auxquels elles ont droit. Et, encore une fois, il semble que le Curateur public n’est pas là pour parler en leur nom.

À leur sortie de prison, ça ne va guère mieux. Ces individus se retrouvent à la rue parce qu’il n’y a aucune structure pour les accueillir.

Certains vivent dans des conditions qu’on ne tolérerait même pas pour un chien.

Lisez le reportage « “Leur place n’est pas en prison” »

Les organismes se renvoient ces gens hypervulnérables comme une patate chaude. Les propriétaires n’en veulent pas. Les places en ressources supervisées sont limitées et leurs cas sont souvent jugés trop sévères.

À l’heure actuelle, il existe des ressources en accompagnement continu (RAC), où habitaient en 2019-2020 environ 11 000 bénéficiaires ayant des troubles de comportement graves. Mais comme le mentionne le chercheur Guillaume Ouellet, de l’UQAM, ces hébergements ne sont pas toujours adaptés aux besoins. Le taux de roulement du personnel y est particulièrement élevé et ne permet pas d’établir les conditions nécessaires pour offrir un encadrement adéquat. Il faudrait davantage de petites maisons avec des intervenants permanents si on veut leur offrir une vraie stabilité.

Il y a deux ans, le ministre délégué à la Santé et aux Services sociaux, Lionel Carmant, a inauguré de nouveaux modèles d’hébergement, les URCI (unités de réadaptation comportementale intensive). Trois projets pilotes sont en cours dans les régions de la Capitale-Nationale, de l’Abitibi-Témiscamingue et de la Montérégie-Ouest. Ces nouvelles unités – qui accueillent une dizaine de personnes chacune – devraient peu à peu remplacer les RAC. Mais au bureau du ministre, on ne peut pas nous dire à quel rythme ni quand ces unités seront disponibles dans la région de Montréal, où les besoins sont criants.

Personne ne veut revenir aux années 1950, à l’époque d’avant la désinstitutionnalisation, alors qu’on internait les gens souffrant de problèmes de déficience intellectuelle ou de problèmes psychiatriques contre leur gré, dans des conditions pas toujours humaines.

Aujourd’hui, les droits des personnes vulnérables sont reconnus et on ne peut pas – sauf exception – leur imposer un traitement dont elles ne veulent pas. Sauf que l’approche privilégiée connaît de sérieux ratés et ne réussit pas à répondre aux cas les plus complexes.

Car ce n’est pas vrai que tout le monde peut être autonome. Il existera toujours des individus qui auront besoin d’un encadrement serré. Peut-on et, surtout, veut-on leur offrir des services qui répondent véritablement à leurs besoins ?

À l’heure où nous écrivons ces lignes, force est de constater que nous avons collectivement abandonné les plus vulnérables de la société. Nous avons jeté l’éponge. Nous ne sommes même pas capables de leur garantir un toit au-dessus de leur tête, ce qui est un minimum dans un pays aussi riche que le nôtre.

Véronique Cloutier et Louis Morissette ont créé une fondation qui construit des maisons pour les adultes autistes. Martin Matte l’a fait pour les traumatisés crâniens. Faudra-t-il qu’une vedette québécoise trouve une solution pour les pupilles du Curateur public, qui semble dépassé par son mandat ?

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