Non, la pandémie n’a pas frappé tout le monde également. Sur le marché du travail, les femmes ont été les grandes perdantes de cette « she-cession ». Et l’économiste qui a inventé ce terme met aujourd’hui le doigt sur un autre phénomène troublant qu’on pourrait baptiser « l’effet grand-maman ».

« Les femmes plus âgées manquent toujours à l’appel », constate Armine Yalnizyan, fellow de la Atkinson Foundation on the Future of Workers, qui a été conseillère économique de la ministre des Finances Chrystia Freeland.

Alors que les travailleurs plus jeunes sont de retour en force sur le marché du travail, l’emploi chez les Québécoises de 55 à 64 ans reste en baisse de 8,6 % par rapport au niveau d’avant la pandémie (en date de fin 2021).

Est-ce que c’est parce qu’elles ont pris leur retraite ? Parce que leur ancien emploi n’est pas encore revenu ? Ou parce qu’elles ont décidé de s’occuper de leurs petits-enfants, alors que les places en garderies font toujours cruellement défaut ?

Une chose est sure : il est très dérangeant de voir les femmes dans cette catégorie d’âge-souvent au faîte de leur carrière puisqu’elles ont pris leur envol plus tard – rester à l’écart du marché du travail, peut-être pour de bon.

Cette décision risque de les appauvrir jusqu’à leur mort.

Déjà, les femmes sont le parent pauvre de la retraite. Au Québec, les revenus moyens des femmes de 65 ans et plus (31 100 $) représentent à peine 73 % de ceux des hommes (42 700 $).

C’est que les femmes ont un taux horaire inférieur à celui des hommes, encore aujourd’hui. Et plusieurs travaillent à temps partiel, notamment pour prendre soin des enfants.

Par ailleurs, les femmes prennent leur retraite plus tôt, parce qu’elles s’occupent d’un proche, parce que leur emploi est éreintant ou parce qu’elles tirent leur révérence en même temps que leur conjoint plus vieux.

Tout cela fait en sorte que les femmes arrivent à la retraite avec moins d’épargnes, alors qu’il leur en faudrait davantage, car elles vivent plus vieilles.

À ce compte, elles risquent de se faire manger tout rond par l’inflation qui dépasse 5 %. Aïe ! Juste avec un taux « normal » de 2 %, cet ennemi silencieux gruge le quart de votre pouvoir d’achat après 15 ans et la moitié après 30 ans.

Alors, mesdames, pensez-y bien avant de prendre une retraite hâtive.

Mais tout ça n’est pas qu’une question de finances personnelles, c’est aussi un enjeu économique crucial.

La pénurie de main-d’œuvre est particulièrement criante au Québec, où la population vieillit en accéléré. On réglerait une partie du problème en relevant le taux d’emploi des travailleurs d’expérience au même niveau qu’Ontario.

Comment y arriver ?

On pourrait rendre « remboursable » le crédit d’impôt pour la prolongation de carrière qui encourage déjà les travailleurs de 60 ans et plus à rester au boulot, ce qui le rendrait attrayant pour les gens à faible revenus qui ne paient pas d’impôt.

On pourrait donner le choix aux travailleurs plus âgés de ne pas cotiser au Régime des rentes du Québec (RRQ), comme c’est déjà le cas ailleurs au pays avec le Régime de pension du Canada. En ce moment, la cotisation au RRQ crée une ponction de 6,15 % sur le salaire (12,3 % pour les travailleurs autonomes) qui peut décourager le travail, même si cela permet de bonifier la rente.

Québec pourrait aussi exempter de cotisation au régime de retraite (ex : RREGOP, RRPE) ses anciens employés qui veulent reprendre du service.

Alors que Québec déposera son budget dans 10 jours, soyons ingénieux pour convaincre les quelque 1,2 million de Québécois et Québécoises de 55 à 65 ans – et en particulier les Québécoises – de travailler plus longtemps. Pour eux. Et pour nous.

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