La guerre est commencée.

On ne sait pas encore jusqu’où ira Vladimir Poutine, mais on est peut-être en train d’assister à l’invasion la plus importante sur le continent européen depuis la Seconde Guerre mondiale.

C’est effroyable.

« Nous nous efforcerons d’arriver à une démilitarisation et à une dénazification de l’Ukraine », a déclaré jeudi le président russe.

Dénazification…

C’est absolument délirant.

Et ça augure bien mal pour la suite des choses.

Il faut dire qu’après avoir vu et entendu Vladimir Poutine rager lundi, on avait de moins en moins de doutes sur ses véritables intentions.

Le discours qu’il a prononcé ce jour-là, en annonçant qu’il reconnaissait formellement l’indépendance des deux républiques prorusses autoproclamées dans l’est de l’Ukraine, était à la fois impérialiste et incendiaire.

Un discours « sinistre, menaçant et détaché de la réalité », a estimé le titulaire de la Chaire d’études ukrainiennes de l’Université d’Ottawa, Dominique Arel, que nous avons interrogé à ce sujet.

« Et je pèse mes mots. J’ai regardé son discours en direct en russe et c’était terrifiant », a-t-il ajouté.

Dans son allocution, le président russe a longuement dénoncé les agissements de l’OTAN à l’intérieur comme à l’extérieur de l’Ukraine.

On le savait déjà irrité à ce sujet et on comprend que les ambitions de l’Alliance atlantique aient pu heurter Moscou.

Mais il est allé beaucoup plus loin que ça.

Vladimir Poutine a soutenu que l’Ukraine avait « été réduite à une colonie [de l’Occident] avec un régime fantoche », dirigé par des oligarques corrompus, qui ont renié les intérêts de leurs citoyens et sont en guerre contre la langue et la culture russes.

Il a même évoqué un « génocide » dans la région du Donbass, où les troupes russes ont été déployées. Et il a prétendu que l’Ukraine cherche à se doter de l’arme nucléaire.

C’était de la désinformation.

Ça ressemblait aussi à de la paranoïa.

Celle d’un dangereux despote.

Il a également présenté un argumentaire politico-historique pour défendre le fait que l’Ukraine n’aurait jamais dû quitter le giron russe.

Pour lui, une Ukraine souveraine est un non-sens puisque les Russes et les Ukrainiens forment un seul peuple.

Pourtant, l’Ukraine n’a rien d’un État artificiel.

Et « le sentiment national ukrainien n’est pas une création de l’Occident, il est authentique », a souligné Dominique Arel.

Ce discours de Poutine, prononcé d’un ton belliqueux, a été diffusé par la télévision nationale russe. Le Kremlin a aussi pris soin de le traduire en anglais et de l’afficher bien en évidence sur son site web (il fait plus de 7000 mots, soit 10 fois la longueur de cet éditorial).

Lisez le discours de Poutine (en anglais)

Rétrospectivement, on se rend compte que le président russe télégraphiait à la fois ses intentions et leur justification.

Et il en a donc remis une couche jeudi, promettant également de conduire « au tribunal ceux qui ont commis de nombreux crimes, responsables de l’effusion de sang de civils, notamment des citoyens russes ».

Ça augure, ça aussi, bien mal.

Les États-Unis et leurs alliés ont tant bien que mal tenté de faire comprendre à Vladimir Poutine que le coût d’une telle guerre pourrait être, pour la Russie, très élevé.

Dès lundi, en réponse au déploiement de troupes russes dans l’est de l’Ukraine, une première vague de sanctions avait été annoncée.

Il s’agissait de faire preuve de fermeté face à Moscou, en se donnant une marge de manœuvre pour frapper encore plus fort si Vladimir Poutine décidait de ne pas freiner ses ambitions et tentait de conquérir l’ensemble du territoire ukrainien.

On avait aussi accentué les opérations de dissuasion.

Elles passaient déjà par des livraisons d’armes à Kiev et par le renforcement de la présence militaire dans l’est de l’Europe (le Canada a lui-même annoncé, mardi, l’envoi de renforts en Lettonie).

Est-il encore possible d’éviter une guerre sanglante qui, d’un bout à l’autre de l’Ukraine, pourrait se solder par des dizaines de milliers de victimes et des millions de réfugiés ?

Est-il encore possible de faire entendre raison à Vladimir Poutine ?

Il est permis d’essayer, mais en ces heures sombres, il est surtout, hélas, permis d’en douter.

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