Quand l’organisme censé protéger les plus vulnérables de la société n’y arrive pas, il y a un sérieux problème.

Le dossier de nos collègues Katia Gagnon et Caroline Touzin montre que plusieurs pupilles sous la responsabilité du Curateur public – on parle d’une cinquantaine au total – vivent en situation d’itinérance dans des contextes très précaires.

Lisez le premier volet de ce dossier

Il révèle aussi que les curateurs délégués, au nombre de 121 pour tout le Québec, sont débordés. Responsables de plus de 100 dossiers chacun, ils n’ont pas le temps d’aller à la rencontre des personnes sous curatelle qu’ils devraient pourtant rencontrer au moins une fois l’an. Sans l’intervention et l’aide d’organismes communautaires sur le terrain, la situation de ces personnes serait encore plus désastreuse.

Le Curateur public est responsable d’environ 13 000 personnes jugées inaptes au Québec. L’organisme doit jouer le rôle d’un parent bienveillant en s’assurant que la personne ne manque de rien. Il peut gérer son argent, par exemple, ou dans les cas plus lourds, s’assurer que la personne est logée, qu’elle reçoit des soins adéquats, etc. Les cas plus complexes sont souvent des gens atteints de problèmes de santé mentale ou de déficience intellectuelle aux prises avec des enjeux de dépendance.

Le Curateur public est en quelque sorte leur dernier recours, l’outil dont le Québec s’est doté pour s’assurer que les plus vulnérables de notre société vivent dans la dignité. Or, ce que révèlent nos collègues, c’est que l’organisme n’y arrive pas toujours.

Ce n’est pas la première fois que le Curateur public se retrouve dans les médias pour les mauvaises raisons. Depuis sa création, en 1945, il a été critiqué à plusieurs reprises.

Il y a 25 ans, en 1997, le Protecteur du citoyen et le Vérificateur général dénonçaient déjà des manquements dans des rapports dévastateurs. Puis, au début des années 2000, le Protecteur du citoyen rappelait le Curateur à l’ordre et exigeait de l’organisme qu’il visite ses pupilles au moins une fois l’an. En 2019, la Protectrice du citoyen dénonçait quant à elle les retards dans certains dossiers. Bref, il semble que le filet de sécurité des personnes vulnérables comporte de grands trous qu’on peine à réparer au fil des ans.

Comment réconcilier le fait que le Curateur était au courant qu’une cinquantaine de ses pupilles vivaient en situation d’itinérance avec son devoir de protection ? Si l’organisme n’arrive pas à leur trouver un logement, ou s’il est incapable de gérer les dossiers des personnes atteintes de problèmes de santé mentale, il doit le dire haut et fort et trouver les ressources adéquates pour y arriver.

Car si le Curateur public n’est pas là pour les protéger, qui le fera ?

Ce qu’a également révélé l’enquête de nos collègues, c’est le manque de communication entre les différents intervenants : santé, services sociaux, organismes communautaires, DPJ… Tout ce beau monde doit se parler plus et mieux. Il aura fallu la publication d’un dossier dans La Presse pour le leur rappeler.

C’est d’autant plus important qu’une nouvelle loi sera implantée en juin prochain qui changera en profondeur le mode d’intervention du Curateur public.

La loi 18, adoptée en 2020, privilégiera une approche basée davantage sur l’accompagnement de la personne et la promotion de son autonomie lorsque c’est possible.

Cette approche s’inspire des meilleures pratiques observées dans des pays européens, comme la Suède, où la notion d’inaptitude n’existe pas.

Cette nouvelle loi, moins paternaliste et beaucoup plus respectueuse des droits de la personne, est accueillie très favorablement par le milieu, avec raison. On parle d’une véritable révolution.

Mais encore faut-il que les moyens soient là pour l’appliquer et respecter son esprit et ses objectifs.

Le Curateur assure qu’il a reçu les budgets adéquats et qu’il dispose des ressources supplémentaires pour répondre à la demande. Tant mieux si c’est le cas.

Mais l’organisme doit aussi se rappeler qu’au-delà de la bureaucratie et de la paperasserie, il y a des gens vulnérables qui comptent sur lui. Cette fois, il doit répondre présent.

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