Le ministre de l’Environnement Benoit Charette a un nouveau plan pour vendre plus de voitures électriques au Québec.

À première vue, il s’agit d’une excellente nouvelle. Le plan actuel est défectueux et doit être revu.

Le gros, gros hic : ce nouveau plan ne fonctionne pas plus que l’ancien.

Ce n’est pas nous qui le disons. Ni Greenpeace ni Équiterre. C’est le ministère de l’Environnement lui-même, dans une analyse interne que dévoilait mercredi notre collègue Charles Lecavalier (1).

Lisez « Québec loin de sa propre cible »

Le document porte sur une norme « renforcée » que propose d’imposer M. Charette aux concessionnaires automobiles pour les obliger à offrir plus de modèles électriques.

Son effet sur le nombre de véhicules électriques au Québec est résumé dans un tableau qui vaut la peine d’être examiné. Parce qu’il montre en un coup d’œil à quel point cette proposition de règlement rate la cible.

Le « scénario de référence » prévoit qu’en 2025, il y aura 632 000 véhicules électriques au Québec si on poursuit avec le règlement actuel. Avec la norme renforcée de M. Charette ? Il y en aurait… 632 000. Effet net : zéro véhicule de plus.

C’est la même chose pour 2026. Pour 2027. Pour 2028.

Il faut attendre 2029 pour voir une modeste contribution du règlement, qui permettrait alors d’ajouter 12 000 véhicules au scénario de base – une contribution d’à peine 1 %.

Les optimistes diront que les effets s’accélèrent à partir de 2030. Les autres verront ce règlement pour ce qu’il est : une belle intention qui rate complètement son objectif. Cette norme « renforcée » ne renforce strictement rien avant la fin de la décennie.

En 2030, les Québécois auront passé à travers au moins deux élections provinciales. Les Jeux olympiques de Pékin seront de lointains souvenirs – tout comme ceux de Paris, de Milan et de Los Angeles.

Surtout, le Québec devra alors montrer à la communauté internationale s’il a atteint son engagement de réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 37,5 % par rapport au niveau de 1990. La réglementation sur les véhicules électriques est présentée par Québec comme une « mesure phare » de ce plan de réduction.

Quelqu’un croit encore qu’on y parviendra avec ce qui est en place ?

En adoptant des normes sur les véhicules zéro émission en 2018, le Québec a pourtant été un précurseur au Canada. Cette norme est basée sur un système assez complexe selon lequel les concessionnaires accumulent des crédits en vendant des voitures électriques, puis doivent en remettre un certain nombre au gouvernement.

Le hic, c’est que comme pour le marché du carbone, le gouvernement a distribué allègrement les crédits. Actuellement, un concessionnaire qui vend une seule voiture électrique peut obtenir jusqu’à quatre crédits. Les vendeurs de voitures en ont accumulé un tel nombre qu’ils pourraient remplir leurs obligations pour septembre prochain sans vendre un seul véhicule électrique d’ici là dans toute la province.

Le règlement du ministre Charette vise justement à restreindre l’attribution des crédits. Mais l’analyse de son ministère montre bien que c’est insuffisant.

Les concessionnaires et leurs clients objecteront que les véhicules électriques sont en rupture de stock au Québec. C’est vrai. Il faut souvent attendre plusieurs mois pour en obtenir un. Mais demandons-nous pourquoi les Européens et les Asiatiques, eux, parviennent à en trouver.

Les véhicules électriques ne représentent que 9 % des ventes au Québec, contre 19 % en Chine, 23 % en France, 54 % en Suède et 90 % en Norvège. Les experts nous disent que si ces gens trouvent de tels véhicules, c’est justement parce qu’une réglementation convaincante y a créé un marché.

Avec son hydroélectricité peu chère et sa volonté de percer le marché des batteries, le Québec pourrait être le paradis de la voiture électrique. Hélas, pendant que les autres avancent, nous sommes embourbés dans l’accotement.

Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion