Dans l’univers automobile, on pourrait dire que le premier ministre Justin Trudeau est passé de 0 à 100 kilomètres à l’heure en une fraction de seconde.

Lui qui a fait preuve d’un manque flagrant de leadership depuis le début de l’inacceptable siège d’Ottawa enfonce maintenant la pédale dans le tapis en invoquant la Loi sur les mesures d’urgence.

Oui, ça décoiffe.

Bien sûr, on aurait préféré ne jamais se rendre là. On aurait souhaité que la police d’Ottawa ne reste pas les bras croisés, alors que les manifestants bloquaient les rues, klaxonnaient sans relâche et poussaient l’arrogance jusqu’à se faire installer une baignoire à remous en face du parlement.

Mais au point où nous en sommes, on ne se plaindra pas que Justin Trudeau veuille reprendre le contrôle pour faire décamper les camionneurs qui empoisonnent la vie des résidants de la capitale nationale.

Désolée, ce carnaval a assez duré. Il est temps que ça cesse. Surtout que les mesures sanitaires à l’origine du convoi sont en train de disparaître un peu partout au pays.

D’un point de vue politique, la Loi sur les mesures d’urgence aura le mérite d’envoyer un ultimatum très clair aux récalcitrants que la mollesse des dirigeants avait encouragés à occuper de plus en plus de terrain.

D’un point de vue légal, la loi donnera aussi quelques outils additionnels pour serrer la vis aux manifestants, sans toutefois suspendre l’application des droits et libertés.

Par exemple, le gouvernement pourra désormais forcer les entreprises de remorquage récalcitrantes à déplacer les camions, sous peine d’amende, une obligation qui aurait été longue à mettre en place en suivant le processus normal.

Mais il faut reconnaître que le recours à la Loi sur les mesures d’urgence est un pari audacieux.

Tout d’abord, le gouvernement doit faire la preuve qu’il existe une menace sérieuse à la sécurité nationale, ce qui n’est pas si clair. Pour l’instant, on n’a pas assisté à des actes de violence, malgré une saisie d’armes, lundi, qui donne une idée de l’état d’esprit des manifestants bloquant le poste frontalier de Coutts, en Alberta.

Armes d’épaule, gilets pare-balles, munitions à profusion…

Pour justifier le recours à la Loi sur les mesures d’urgence, le gouvernement fédéral doit aussi démontrer que les règles provinciales sont insuffisantes pour gérer la situation.

Or, les provinces viennent de prouver qu’elles pouvaient se débrouiller avec les moyens à leur disposition. Et que l’enlisement à Ottawa ne découle pas tant d’une déficience dans la loi que d’une déficience dans son application.

À Windsor, les forces de l’ordre ont réussi à débloquer le pont Ambassador, le plus important lien pour le transport de marchandises entre le Canada et les États-Unis. Et à Québec, le maire Bruno Marchand, fort de l’appui unanime des députés, a empêché le convoi de camionneurs de prendre racine en face de l’Assemblée nationale.

Dans ce contexte, il n’est pas étonnant que le premier ministre du Québec, François Legault, ne veuille pas appuyer une loi qui permettrait au fédéral d’intervenir sur son territoire… alors qu’il n’y a pas de problème.

Sauf que l’objection des provinces ne changera pas grand-chose.

En théorie, la Loi sur les mesures d’urgence prévoit que le fédéral doit consulter les provinces, ce qui ne leur donne pas pour autant un droit de veto. Et même si les provinces voulaient contester, il leur faudrait des années avant d’aboutir devant la Cour suprême.

D’ici là, les camions auront disparu.

Et la Loi sur les mesures d’urgence aura été un puissant symbole pour sortir du cul-de-sac.

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