Entendons-nous d’abord sur une chose : la volonté manifestée par Québec de mettre en œuvre rapidement les recommandations de la Commission spéciale sur les droits des enfants et la protection de la jeunesse doit être saluée.

La commission en question – dirigée de main de maître par Régine Laurent – a rendu public un excellent rapport l’an dernier. Par la suite, le gouvernement caquiste a réagi promptement en déposant le projet de loi 15, qui est l’objet de consultations à l’Assemblée nationale depuis la semaine dernière.

Entendons-nous aussi sur le fait que ce projet de loi répond à plusieurs des recommandations de la commission. Régine Laurent l’a confirmé lors de son témoignage.

On commence en vous disant tout ça et vous nous voyez probablement venir avec nos gros sabots… Après les fleurs, le pot : le projet de loi est bon, mais il est impératif de le bonifier et de l’améliorer.

Ça aussi, ç’a fait l’unanimité depuis le début des consultations.

Au cœur des discussions, une notion qui fait l’objet d’intenses débats depuis de nombreuses années : l’intérêt de l’enfant.

Par exemple, dans la mouture actuelle de la loi, on précise (à l’article 3) que toutes les décisions doivent être prises « dans l’intérêt de l’enfant ». On ajoute toutefois (à l’article 4) qu’elles doivent « tendre à maintenir l’enfant dans son milieu familial ».

Or, ce dernier article a été à la source de nombreuses dérives. Si bien que des décisions prises vont souvent à l’encontre de l’intérêt de l’enfant.

De nombreux acteurs du réseau et experts dénoncent cette situation depuis de nombreuses années. Et beaucoup ont affirmé que le projet de loi demeure trop ambigu sur la question, incluant Régine Laurent et le psychologue Camil Bouchard.

Pour une fois que l’occasion de rectifier le tir se présente, il ne faudrait surtout pas la gâcher.

C’est pourtant ce que ferait le ministre Lionel Carmant si le projet de loi était adopté tel quel.

Il serait bête de jeter l’éponge alors qu’il est sur le point de franchir la ligne d’arrivée.

Il en va de la nature de son legs.

Il voudra aussi remédier aux autres faiblesses du projet de loi qui ont été soulignées lors des témoignages.

Entre autres : le fait qu’on n’ait rien prévu d’assez substantiel pour qu’un jeune suivi par la protection de la jeunesse ne soit pas laissé à lui-même dès qu’il atteint 18 ans. Aussi : l’insouciance dont on fait encore preuve quant aux demandes des communautés autochtones, qui réclament plus d’autonomie.

Le train du changement ne repassera pas avant longtemps. Et s’il est vrai qu’il est impératif d’agir vite, il ne faudrait toutefois pas le faire en tournant les coins ronds.

Notons aussi que des experts ont mis en garde le ministre quant au fait que l’adoption du projet de loi, seule, ne va pas remédier à la crise actuelle.

Lionel Carmant le sait. Mais il importe de le répéter dans l’espoir que des gestes soient faits plus tôt que tard : les autres recommandations de la commission Laurent ne doivent pas sombrer dans l’oubli. À commencer par la nomination d’un commissaire au bien-être et aux droits des enfants.

Oh, et permettez-nous un ultime conseil pour le ministre Carmant : s’il vous plaît, dépêchez-vous d’inviter en commission parlementaire le groupe des 20 directeurs de la protection de la jeunesse (DPJ).

Ils vous ont rencontré, mais souhaitent aussi se prononcer publiquement lors de l’examen du projet de loi – les consultations se terminent cette semaine.

Cette législation les touche directement. Ils ont la responsabilité d’assurer la protection des enfants et leurs idées méritent d’être entendues.

« Il faut se donner les moyens afin que cette occasion extraordinaire ne soit pas un rendez-vous manqué ! », ont-ils écrit au sujet du projet de loi, en faisant connaître dans un communiqué certaines de leurs propositions pour l’améliorer.

On devrait peut-être, aussi, les écouter !

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