Des boîtes de carton ayant servi à livrer nos nombreux achats en ligne. Des sachets de plastique destinés à contenir trois biscuits, alignés sur un plateau de plastique lui-même emballé d’une pellicule de plastique, le tout contenu dans une boîte de carton.

Des matériaux de construction, des déchets de table, de vieux pneus.

Au Québec, la gestion de déchets fait penser à un jeu de Tetris dans lequel les détritus nous tombent dessus de plus en plus vite. On a beau essayer d’envoyer chaque objet à la bonne place, on n’y parvient pas.

Résultat : en bas, le niveau monte. Plusieurs de nos dépotoirs sont sur le point de déborder et la mention « Game Over » nous clignotera bientôt au visage.

La voie de contournement consiste à embarquer le contenu de nos bacs de récupération sur des conteneurs en direction de l’Asie. Il était vraiment gênant, en regardant le dernier épisode d’Enquête, à Radio-Canada, de voir nos vieux sacs de lait Québon encombrer des terrains vagues en Inde.

C’est dans ce contexte que se démènent nos politiciens. À Québec, les observateurs ont de bons mots pour le ministre de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques, Benoit Charette, qui affiche une réelle volonté de régler le problème. À Montréal, on sent aussi une sensibilité de l’administration Plante.

Les citoyens ont aussi leur rôle à jouer, en consommant moins et mieux. Ils le savent.

Le gros problème, c’est que pour l’instant, les résultats ne sont pas là.

Récemment, un rapport du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE) que le ministre Benoit Charette avait lui-même commandé est venu rappeler une vérité toute simple : gérer les déchets qu’on produit, c’est bien. En ralentir le flot, c’est mieux.

Ça n’a évidemment rien de révolutionnaire : le mouvement environnemental parle de réduction à la source depuis des décennies. Ça doit pourtant engendrer une révolution. Parce qu’on n’a plus le choix.

Le Québec s’était donné comme objectif de produire 525 kg de déchets par habitant en 2023. En 2019, nous étions très loin du compte, à 724 kg par habitant. Et les observateurs s’attendent à ce que le portrait se soit encore détérioré pendant la pandémie.

Le ministre Benoit Charette a le mérite de regarder les choses en face.

« Au niveau de la gestion de ses matières résiduelles, on fait piètre figure », nous a-t-il dit.

On peut difficilement lui reprocher de rester les bras croisés. L’élargissement de la consigne souffre de quelques retards, mais est néanmoins sur les rails. Autre réforme importante : ce seront bientôt les producteurs de contenants eux-mêmes qui auront la charge de la collective sélective.

Québec a également injecté 1,2 milliard pour une stratégie sur la matière organique qui vise (enfin !) à généraliser les bacs bruns. À peine 27 % de ces déchets sont actuellement recyclés, loin de l’objectif de 60 % qui devait être atteint… en 2015. Un immense retard.

Il reste toutefois des trous dans la stratégie.

Le mot « interdire » est encore pratiquement absent de la réglementation. Les experts poussent pourtant pour qu’on bannisse les matières difficiles à recycler.

L’écofiscalité demeure également un immense tabou au Québec. En limitant les collectes et en faisant payer les citoyens pour les ramassages supplémentaires, la ville de Beaconsfield a pourtant réussi à réduire ses ordures de moitié.

Autre chantier : pendant que les citoyens culpabilisent (non sans raison) avec tout ce qu’ils envoient dans leurs divers bacs, les matières résiduelles des industries, commerces et institutions ainsi que les déchets de construction représentent ensemble 54 % de tous les rebuts du Québec, contre 32 % pour les ordures ménagères. On n’en parle pourtant presque jamais.

Le ministre Benoît Charette dit avoir les déchets de construction dans sa mire. Et il affirme avoir d’autres cartes dans sa manche, dont une stratégie sur les plastiques. Tant mieux. Mais réalisons que, depuis de nombreuses années, on voit passer les annonces sans que les résultats suivent.

C’est à la réduction réelle des ordures, et non au nombre de communiqués de presse publiés, qu’on évaluera notre performance collective.

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