Ça rue dans les brancards dans les universités. Québec leur avait donné jusqu’au 31 janvier, aujourd’hui même, pour ramener les étudiants sur leurs campus. Une excellente directive.

Mais certains étudiants inquiets du virus se braquent contre le retour en classe. Des pétitions circulent à l’Université de Montréal et à l’Université de Sherbrooke, tandis qu’à l’Université Concordia, d’autres étudiants n’écartent pas un débrayage si des accommodements ne sont pas mis en place1.

À l’inverse, certains étudiants qui ont hâte de revenir sur le campus se désolent de la décision de leur faculté de poursuivre l’enseignement à distance.

C’est notamment le cas de la faculté de médecine de l’Université de Montréal, où les étudiants ont dénoncé la décision d’offrir en virtuel les cours magistraux en petits groupes avec des médecins cliniciens, tout comme la formation pratique dans les milieux hospitaliers qui sont bousculés par Omicron. On peut comprendre. Mais les étudiants qui seront nos médecins de demain s’inquiètent du retard dans leur formation depuis le début de la pandémie, ce qui est bien légitime. Après tout, on n’apprend pas à ausculter un patient avec Zoom.

Si l’enseignement à distance a permis de sauver les meubles durant la pandémie, il a aussi montré ses limites.

Sur le plan scolaire, des données américaines démontrent que les élèves qui ont passé davantage de temps sur les bancs d’école ont obtenu des résultats largement supérieurs, lors de tests standardisés, que ceux qui avaient étudié à distance, d’après une récente analyse de l’Institut C.D. Howe2.

Voulez-vous savoir le plus triste ? Les élèves dont les résultats ont décliné le plus proviennent de milieux défavorisés et de communautés culturelles. Voilà une autre preuve que la pandémie a accentué les iniquités sociales.

Sur le plan psychologique, l’isolement et l’enseignement en ligne ont aussi eu des conséquences profondes sur les étudiants. Démotivation, détresse, pensée suicidaire… Un sondage réalisé lors de la deuxième vague démontre que la moitié des étudiants inscrits dans l’une des 17 universités québécoises ont ressenti le besoin d’obtenir de l’aide psychologique3.

La moitié ! Et le pire, c’est que la majorité d’entre eux n’ont pas réussi à consulter.

Même pour les jeunes qui gardent le moral, l’université à distance a son lot d’inconvénients. Sans occasion de socialiser, la génération COVID-19 ne peut pas nouer ces amitiés si importantes pour bâtir leur réseau social et professionnel, qui reste souvent pour toute la vie et toute la carrière.

Pour toutes ces raisons, les universités doivent répondre présent. Elles doivent apprendre à vivre avec le virus et tout mettre en œuvre pour que leurs campus s’animent.

On ne nie pas les avantages des cours en ligne, qui demeurent une innovation pédagogique pertinente pour certains étudiants. Ceux qui vivent loin de l’université. Ceux qui peinent à combiner leurs cours et leur horaire de travail.

Force est de constater que la formule plaît. À l’Université de Montréal, un étudiant sur cinq s’est inscrit à au moins un cours hybride (19 %) et à au moins un cours à distance (22 %). Cette flexibilité a d’ailleurs facilité le retour aux études d’étudiants sur le marché du travail. Tant mieux.

Mais cela ne doit pas se faire au détriment de ceux qui veulent un professeur en chair et en os.

Le retour en classe doit se faire sous le signe de la prudence et de la bienveillance. Par exemple, les étudiants ne devraient pas avoir à se battre pour obtenir l’enregistrement d’un cours qu’ils ont manqué à cause de la COVID-19. Ils ne devraient pas avoir à présenter un certificat médical s’ils ratent un examen parce qu’ils sont malades.

Certains professeurs, certaines universités, offrent déjà ces accommodements. Bravo ! Mais cela devrait être systématique.

Et pourquoi ne pas déployer des cliniques de vaccination sur les campus, comme l’automne dernier ? La troisième dose est essentielle pour tenir Omicron en respect.

Après tout, la cinquième vague est encore à son sommet. Et la dernière chose qu’on souhaite, c’est que les étudiants retournent sur Zoom, avec un prof qui parle tout seul devant des caméras fermées.

1. Lisez le texte « Retour sur les campus : des étudiants souhaitent poursuivre les cours en ligne » 2. Consultez l’analyse de l’Institut C.D. Howe (en anglais) 3. Consultez l’enquête sur la santé psychologique Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion