On peut dire du plan d’action déposé mardi par Lionel Carmant qu’il était très attendu. Reporté et remanié à cause de la pandémie, le document présenté par le ministre délégué à la Santé et aux Services sociaux propose des solutions pour faciliter l’accès aux soins et mieux accompagner les gens qui vivent des problèmes de santé mentale.

La demande est plus grande que l’offre dans ce domaine. Plus de 20 000 personnes attendent pour voir un psychologue dans le système public. Quant aux cliniques privées, leurs listes d’attente débordent. Le Québec est pourtant l’endroit en Amérique du Nord où on trouve le plus grand nombre de psychologues par habitant. Alors, quel est le problème, docteur ? En fait, il n’y a pas de problème, mais bien une population plus ouverte qu’ailleurs à consulter. On pourrait s’en réjouir si seulement l’accès à un professionnel était plus facile.

Le ministre propose donc 43 mesures réparties dans 7 grandes catégories accompagnées d’un budget de plus de 1 milliard de dollars sur cinq ans (2022-2026), dont 361 millions d’argent frais. Cette somme – qui compte pour 6,7 % du budget total de la santé du Québec – représente une augmentation digne de mention de 25 %. L’Organisation mondiale de la santé recommande de consacrer 10 % du budget global de la santé à la santé mentale, il reste donc de la latitude au gouvernement Legault pour bonifier ces sommes au cours des prochaines années.

Le plan du ministre Carmant, qui propose des solutions concrètes, a une grande qualité : il est interministériel, c’est-à-dire qu’il reflète le caractère multidimensionnel des problèmes de santé mentale en mettant à contribution plusieurs ministères dont ceux de la Justice, de la Sécurité publique et de l’Habitation.

Autre grande qualité : tout un pan du plan mise sur la prévention auprès des jeunes qui ont été heurtés de plein fouet par les confinements successifs. L’hygiène mentale, c’est comme l’hygiène corporelle, ça s’apprend. Il faut outiller les jeunes en amont pour éviter de se retrouver avec des épidémies de dépression et de troubles anxieux plus tard. Le ministre Carmant renforce aussi la première ligne : on dote l’Estrie et le Saguenay–Lac-Saint-Jean de centres de crise et on ajoute des intervenants sociaux qui travailleront au sein d’équipes mixtes avec les policiers, une recommandation du Groupe d’action contre le racisme. En psychiatrie, on veut élargir l’offre de soins à domicile. Une bonne idée, quand on sait que cette approche a fait ses preuves pour rejoindre une population vulnérable, réfractaire aux institutions.

Le mot interdisciplinarité revient souvent dans le plan de M. Carmant. Le ministre veut convaincre les Québécois qu’ils n’ont pas nécessairement besoin de voir un psy quand ça va mal. Un travailleur social, un ergothérapeute ou une infirmière spécialisée en santé mentale pourrait tout aussi bien faire l’affaire, selon le problème à régler. Tel un « sésame ouvre-toi », il suffirait de composer le 811 pour qu’on nous dirige vers le bon service. Encore faut-il que ces professionnels soient disponibles.

Or, on compte seulement 50 infirmières en santé mentale dans tout le Québec. Le ministre nous assure toutefois que les efforts de recrutement ont porté leurs fruits au cours de la dernière année.

Quant à l’exode des psychologues du réseau de la santé, le ministre mise sur l’embauche des étudiants-boursiers au doctorat à qui on promet des conditions de travail améliorées. Mais il serait surprenant que cette mesure soit suffisante quand on sait que seulement 25 % des nouveaux psychologues décident de travailler dans le secteur public et que, de ce nombre, 40 % quittent leur poste au cours des cinq premières années. Il serait temps d’augmenter leur salaire, nettement inférieur à celui de leurs collègues ontariens par exemple.

Enfin, le ministre Carmant s’appuie beaucoup sur le milieu communautaire, dont les méthodes d’intervention ont fait leurs preuves au fil des ans. On compte un peu plus de 450 groupes au Québec qui se partageront 15 millions supplémentaires. C’est loin d’être une fortune quand on connaît leur réalité et toutes les responsabilités qu’on leur confie, de l’intervention à l’hébergement en passant par l’accompagnement et la gestion de crise. On a trop longtemps considéré les intervenants communautaires comme de la main-d’œuvre bon marché alors que leur travail est indispensable.

Cela dit, il n’y a pas de doute que ce gouvernement prend la santé mentale des Québécois au sérieux. Ses solutions sont concrètes. Espérons que les résultats le seront tout autant.

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