Réduire à moins de six mois l’attente en chirurgie. Non, ce n’est pas la première fois que Québec fait cette promesse.

Au milieu des années 2000, Philippe Couillard, alors ministre de la Santé, avait même adopté un projet de loi en ce sens, dans la foulée du jugement Chaoulli de la Cour suprême qui dénonçait la lenteur du système.

Cette semaine, c’était au tour de Christian Dubé de s’attaquer à cet éternel problème, en promettant de rattraper d’ici deux ans le retard accumulé durant la pandémie qui a fait gonfler la liste d’attente à 145 000 personnes, dont le tiers attendent depuis plus de six mois.

Son plan semble réaliste. Mais il faudra aller plus loin. On ne peut pas se contenter de revenir au niveau prépandémique.

Faut que ça opère. Et mieux qu’avant.

Sauf que ce ne sera pas de la tarte à cause du vieillissement de la population qui accentue la pénurie de main-d’œuvre tout en augmentant les besoins pour les soins de santé.

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Parlons-en de la pénurie.

Ce ne sont pas tant de médecins dont on manque pour faire fonctionner les blocs opératoires, mais plutôt d’infirmières, d’inhalothérapeutes, de personnel de soutien.

Mais étrangement, il y a plus d’infirmières chez nous que dans les autres provinces. Pour être précis, on dénombre 8,6 infirmières pour 1000 habitants au Québec, par rapport à 7,5 en Colombie-Britannique et 7,1 en Ontario.

Alors où est le problème ? Ce sont les conditions de travail dans le réseau de la santé qui font fuir les infirmières. Heures supplémentaires obligatoires, vacances refusées, horaire de nuit… Ce modus operandi autoritaire qui ferait le bonheur d’un gestionnaire nord-coréen a un effet répulsif sur la main-d’œuvre.

En février dernier, l’équipe d’enquête de La Presse a calculé que plus de 4000 infirmières avaient démissionné dans le réseau public depuis le début de la pandémie, soit 43 % de plus que l’année d’avant. Et près de 7700 autres étaient en arrêt de travail, une hausse de 28 %.

Si on veut stopper l’exode des infirmières, notamment vers les agences de placement où elles contrôlent mieux leur horaire, il faut donc revoir le mode de gestion du personnel.

En mettant le corporatisme de côté, on pourrait aussi faire davantage appel aux infirmières auxiliaires en salle d’opération ainsi qu’à des instrumentistes qui sont beaucoup plus présents en Europe, notamment. Ce sont eux qui s’occupent du matériel nécessaire et qui présentent les instruments au chirurgien.

On pourrait aussi modifier le nombre d’inhalothérapeutes par anesthésiste, du moins pour certains types d’opérations.

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Le rattrapage des listes d’attente doit aussi passer par une meilleure gestion des données. Sortons une bonne fois pour toutes de l’ère du télécopieur !

L’été dernier, la Colombie-Britannique a mis en place un ambitieux plan de rattrapage de ses activités chirurgicales. Une des clés du succès a été de « nettoyer » la liste d’attente en téléphonant à tous les patients pour retirer les doublons ou encore les personnes qui ne voulaient plus être opérées. Cette opération a raccourci la liste de presque 10 %.

Dans cet esprit, il était rassurant d’apprendre cette semaine que M. Dubé souhaite que tous les patients en attente soient joints d’ici la fin de l’été.

Un coup de fil, c’est bien. Mais une application serait encore mieux.

À l’heure du commerce électronique, pourquoi ne pas développer un système permettant aux patients de suivre l’évolution de leur dossier, de la même manière qu’ils peuvent voir sur la carte la voiture Uber qu’ils ont commandée au fur et à mesure qu’elle s’approche du rendez-vous ?

En ce moment, c’est le grand trou noir. Les patients souffrent non seulement de leur maladie, mais aussi de ne pas savoir où est rendu leur dossier dans l’obscure machine de la santé.

Parlant de gestion des données, la Colombie-Britannique a aussi dressé une liste d’attente de tous les hôpitaux, ce qui lui a permis d’opérer les cas les plus urgents en premier.

Au Québec, il nous faudrait une liste centralisée afin de prioriser les interventions et d’éviter qu’un patient végète sur la liste d’attente interminable d’un chirurgien, alors qu’il pourrait être traité par un autre médecin dont la liste est plus courte.

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Inévitablement, le privé fera aussi partie de la solution.

C’est déjà le cas. Québec envoie depuis longtemps des patients du public se faire opérer en cliniques privées, sans qu’ils aient à payer quoi que ce soit. Cela a permis de réduire l’attente pour les opérations d’un jour (hanche, cataracte, etc.).

Mais avec la pandémie, la facture a grimpé. En avril dernier, Le Devoir nous apprenait que les centres privés qui pratiquent des opérations pour le réseau public ont négocié des marges de profit de 15 % au lieu de 10 % dans le passé.

Il faut garder ça à l’œil. Et surtout s’assurer que la COVID-19 ne devienne pas une excuse pour augmenter la présence du privé dans le système de santé, sans faire le débat de société.

Faut que ça opère, mais pas à n’importe prix.

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