Il y avait presque de quoi se pincer mercredi soir en écoutant le premier discours du président Joe Biden au Congrès. On pouvait même se demander si on s’était trompé de poste. Était-ce une version à la sauce canadienne du discours du président américain ?

Des mesures en environnement, pour la petite enfance, pour les aidants naturels. Des annonces de gratuité en matière d’éducation. La création d’une allocation familiale et d’emplois multiples, notamment dans le domaine des énergies renouvelables. Une promesse de faire fondre les coûts des médicaments d’ordonnance. Le désir d’étendre la couverture d’assurance-maladie à de plus grands pans de la société. L’établissement du salaire minimum à 15 $.

PHOTO MELINA MARA, AGENCE FRANCE-PRESSE

Le président des États-Unis, Joe Biden, s’est adressé au Congrès américain pour la première fois, mercredi soir.

Pendant l’heure et des poussières qu’a duré le discours du président américain, les projets pour renforcer le filet social américain ont plu. Les sommes faramineuses qui devront les accompagner pour les réaliser ont été énoncées avec calme et conviction. En tout, c’est 6000 milliards US que le locataire de la Maison-Blanche a mis sur la table. C’est un chiffre gigantesque. En termes absolus, mais aussi en termes relatifs.

À côté de ça, le plan de relance du Canada a des airs de Lilliputien. Pourtant, dans son dernier budget, la ministre des Finances Chrystia Freeland a sorti l’artillerie lourde, en déployant 101 milliards de dollars canadiens, sur trois ans, pour remettre l’économie sur les rails.

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Toutes les mesures défendues par Joe Biden, dont la plupart vont de soi de notre côté de la frontière, sont plus qu’une rupture de ton aux États-Unis après quatre ans de présidence Trump. C’est une véritable révolution.

Pour trouver un précédent dans l’histoire américaine, il faut remonter à Lyndon B. Johnson en 1964 et à son ensemble de mesures baptisé « the Great Society » (la grande société) ou encore à Franklin D. Roosevelt et son New Deal pour sortir son pays de la Grande Dépression dans les années 1930.

On est loin, loin des années Reagan et de l’école néo-libérale qui estime que l’enrichissement de quelques individus et sociétés en haut de la pyramide finit par profiter à tous par un effet de cascade. Joe Biden l’a dit clairement hier : il n’adhère plus à ces idées qui ont fait la pluie et le beau temps pendant 40 ans dans son pays.

Dans le plan qu’il a exposé hier, les cols bleus, les mères de famille, la classe moyenne, les syndiqués et les étudiants sont les vecteurs du développement économique américain à long terme. Et ce sont les plus fortunés – ceux qui gagnent 400 000 $ et plus ainsi que les grandes entreprises, qui payent peu ou pas d’impôt, qui vont payer la facture pour soutenir leur ascension. On est à des années-lumière des allégements fiscaux accordés par le président précédent aux entreprises. Un de ses principaux faits d’armes.

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Bien sûr, entre la vision d’un pays et d’une économie renouvelée et la réalité, il peut y avoir un monde. Très peu des mesures annoncées passeront comme une lettre à la poste dans un Sénat où Joe Biden aura très souvent besoin de l’accord d’une dizaine de républicains pour arriver à ses fins. Dans un pays toujours très divisé, ce sera un immense défi.

Si certaines de ses idées seront qualifiées d’hérétiques et d’utopiques par les cercles conservateurs multiples dans son propre pays, Joe Biden trouvera de notre côté de la frontière une véritable communauté d’esprit.

Une bonne partie des initiatives qu’il veut mettre en place existent déjà ici ou sont en cours de se réaliser. On peut notamment penser au réseau national de garderies, inspirées des centres de la petite enfance du Québec, que le gouvernement Trudeau a l’intention de créer.

Mais le Canada trouvera aussi certainement son compte dans la nouvelle relation Ottawa-Washington et dans ce nouvel alignement des valeurs. Notamment dans les bras de fer qui opposent Ottawa aux géants de la technologie ainsi qu’au titan chinois.

Pendant quatre ans, les États-Unis ont été ce voisin peu fréquentable. Cet étranger proche. Dans l’ère Biden, notre allié a soudainement des airs de famille.

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