La ministre des Langues officielles, Mélanie Joly, a présenté récemment une réforme pour promouvoir « l’égalité réelle des langues officielles au Canada ».

La saga qui secoue l’Université Laurentienne, en Ontario, lui donne l’occasion de passer de la théorie à la pratique. Parce que ce qui se passe actuellement à Sudbury est sidérant.

Le NPD a appelé ces jours-ci le gouvernement Trudeau à « sauver » la Laurentienne, victime d’un fiasco dont l’origine rappelle un peu celle de l’îlot Voyageur de l’UQAM. Au lieu d’intervenir, le gouvernement provincial de Doug Ford l’a laissée couler.

L’administration de l’Université a ensuite réagi comme si elle gérait un comptoir de crème glacée plutôt qu’une institution publique du savoir. Elle a brutalement aboli 69 programmes universitaires. Du lot, 28 étaient donnés en français – près de la moitié de tous ceux offerts dans cette langue. Pas moins de 83 professeurs ont été licenciés.

PHOTO ADRIAN WYLD, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Mélanie Joly, ministre du Développement économique et des Langues officielles

« La Laurentienne entend se concentrer sur les programmes les plus en demande », a justifié le recteur Robert Haché dans une lettre envoyée aux étudiants à la mi-avril.

Que le glacier du coin cesse d’offrir les parfums de pistache et de banane parce qu’ils sont moins populaires, c’est une chose. Mais que des dizaines de programmes universitaires comme ceux de littérature et culture francophone, de génie chimique ou de sciences infirmières disparaissent d’un coup est autrement alarmant.

Surtout lorsque la minorité francophone ne dispose d’aucun autre établissement à des centaines de kilomètres à la ronde pour les suivre.

Poursuivant son étonnante logique marchande, l’Université Laurentienne s’est ensuite placée sous la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies, une première pour une université au pays. Cette démarche a surpris tout le monde, un établissement d’enseignement public n’étant pas une compagnie.

Ce processus juridique est en cours jusqu’au 30 avril. Mais il faudra ensuite intervenir rapidement pour éviter que les professeurs licenciés ne se replacent ailleurs et que les élèves soient laissés en plan. La prochaine rentrée scolaire se planifie bientôt et c’est la vitalité de toute une communauté qui est en jeu.

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Convenons que ce dossier est un panier de crabes pour le fédéral. L’éducation étant de compétence provinciale, ce serait en principe au gouvernement Ford d’intervenir pour sauver l’Université Laurentienne.

Mais son inaction jusqu’ici prive la communauté francophone d’une importante possibilité de développement. La ministre des Langues officielles, Mélanie Joly, a donc un devoir de se saisir du dossier.

L’une des solutions les plus intéressantes consisterait à rapatrier les programmes francophones abolis à l’Université de Sudbury. Cette dernière fonctionne déjà sous l’égide de la Laurentienne et pourrait être transformée en établissement indépendant complètement francophone.

Le hic pour Mme Joly est que des dizaines de professeurs anglophones ont aussi été mis à pied dans la saga de la Laurentienne. Et pour eux, le fédéral ne peut pas grand-chose : il est hors de son champ de compétence et n’a pas la poignée de la langue minoritaire pour intervenir.

Or, sauver les francophones en laissant les anglophones en plan risquerait de créer des tensions linguistiques. C’est la dernière chose que l’on souhaite.

Pour ajouter à la complexité, l’Université Laurentienne offre aussi des programmes autochtones, qui se retrouvent aussi fragilisés par les récents évènements. Certains sont enseignés en anglais à l’Université Sudbury. Qu’en faire si on transforme cette dernière en établissement purement francophone ?

Le gouvernement Trudeau et le gouvernement Ford, qui ont peu d’atomes crochus, doivent donc impérativement coordonner leurs actions dans ce dossier délicat. Ce ne sera pas simple. Mais dans sa réforme sur les langues officielles, Mme Joly affirmait que les communautés francophones hors Québec « ont droit à des institutions fortes qui assurent leur vitalité et leur pérennité » et que « le gouvernement fédéral sera à leurs côtés ».

Si les mots veulent dire quelque chose, il y a ici une obligation de résultat.

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