Personne, sauf peut-être la ministre de la Culture, Nathalie Roy, n’arrive vraiment à comprendre pourquoi le sauvetage de la bibliothèque Saint-Sulpice s’est transformé en accident de train au ralenti.

Et pourquoi nous en sommes à supplier le gouvernement de venir de toute urgence à la rescousse de cet édifice patrimonial du Quartier latin.

Dans nos pages il y a une dizaine de jours, Michelle Courchesne et Claude Corbo ont directement interpellé François Legault. « En désespoir de cause », ont-ils écrit.

« Vous êtes le dernier recours. Seule votre volonté politique sauvera cet immeuble chargé d’histoire et de contribution à l’identité et à la culture du Québec. »

PHOTO OLIVIER PONTBRIAND, ARCHIVES LA PRESSE

« Avoir laissé la bibliothèque Saint-Sulpice se transformer en fantôme urbain pendant plus de 15 ans est, dans le grand ordre des choses, particulièrement gênant », écrit Alexandre Sirois.

Voici donc qu’on implore le premier ministre, un peu comme la princesse Leia avait supplié le jedi Obi-Wan Kenobi de l’aider, dans le premier épisode de la Guerre des étoiles.

Nous n’avons guère d’autre choix que de les imiter.

De grâce, monsieur le premier ministre, mettez fin à ce calvaire.

Chaque jour compte.

Parce que l’immeuble se détériore.

Des travaux urgents doivent être faits d’ici trois ans au coût de 8,9 millions de dollars, a révélé récemment notre journaliste Hugo Pilon-Larose. Sinon, « la dégradation de certains éléments patrimoniaux pourrait être irréversible ».

On sait aussi à Québec que, depuis décembre, le bâtiment n’est plus assuré.

Désolé pour le mauvais jeu de mots, mais on joue avec le feu.

Rare bonne nouvelle : au bureau de la ministre Roy, on nous a dit qu’un montant de 1,4 million sera versé au cours des prochains jours pour les besoins les plus urgents. Tant mieux.

Cela dit, chaque jour qui passe nous rappelle aussi que le gouvernement manque à son devoir d’exemplarité en matière de protection du patrimoine.

Ce n’est pas nouveau. Et la bibliothèque Saint-Sulpice est loin d’être le seul exemple. Le vérificateur général l’a déploré l’an dernier dans un rapport sur la sauvegarde et la valorisation du patrimoine immobilier au Québec.

> Découvrez le rapport du VG 

N’empêche, avoir laissé la bibliothèque Saint-Sulpice se transformer en fantôme urbain pendant plus de 15 ans est, dans le grand ordre des choses, particulièrement gênant.

Et ça l’est encore alors qu’on vient tout juste d’adopter à Québec le projet de loi 69, visant à mieux protéger le patrimoine bâti de la province.

Mais revenons un instant à Michelle Courchesne et Claude Corbo. Ils ont joué un rôle crucial dans ce dossier en publiant – en 2015 – un rapport au sujet de l’avenir de la bibliothèque laissée à l’abandon. On y démontre à quel point cet immeuble est précieux.

« La préservation et la mise en valeur d’un édifice comme celui de la bibliothèque Saint‐Sulpice enrichit le tissu urbain de Montréal et contribue à en illustrer les métamorphoses dans le temps », écrivent-ils.

Et les auteurs d’ajouter qu’il est « capital de préserver les édifices qui ont une personnalité puissante et qui ont joué un rôle significatif dans l’histoire. »

Ce n’est qu’un des extraits consacrés à la « valeur architecturale reconnue » de la bibliothèque. Et d’autres soulignent avec éloquence sa « valeur historique établie », sa « valeur identitaire et symbolique » et le fait qu’elle ait joué un « un rôle d’agent de développement économique et social » au Québec.

> Découvrez le rapport

Alors on en fait quoi ?

La ministre Roy a annoncé l’automne dernier de façon complètement inattendue que le projet prévu – de bibliothèque/laboratoire pour ados – était écarté. L’idée semblait pourtant judicieuse en cette ère où les géants américains du numérique ont pris l’attention de nos jeunes en otage.

On a raté une belle occasion d’innover.

D’autres initiatives pertinentes ont cependant été évoquées ces derniers mois. Incluant celle de « repère de la littérature québécoise », cautionnée par deux députées de Québec solidaire, Manon Massé et Ruba Ghazal. Ou encore la « maison de la chanson », parrainée par Monique Giroux et Luc Plamondon.

L’idéal serait un projet « d’une nature, d’une importance et d’une valeur […] qui soient à la hauteur de celles qui caractérisèrent l’utilisation de l’édifice durant son premier siècle d’existence, et qui furent éducatives et culturelles », ont conclu Mme Courchesne et M. Corbo.

Un projet qui garantirait, aussi, l’accessibilité de l’édifice. Et, bien sûr, la préservation de ses caractéristiques architecturales.

Une fois ces critères remplis, le choix du projet devient quasiment secondaire.

Car ce qui est prioritaire, c’est de sauver ce bâtiment au plus vite.

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