Il y a un mot que vous ne trouverez pas dans les 508 pages bien tassées du budget présenté, jeudi, par le ministre des Finances, Eric Girard. C’est le mot qui commence par A. Celui dont il ne faut pas prononcer le nom à la Coalition avenir Québec (CAQ).

A pour austérité.

Tant mieux, tant mieux. Ce n’est pas le temps d’être grippe-sou, alors que la population souffre encore des conséquences de la pandémie, que des élèves sont en difficulté, que des patients dont l’opération a été reportée se rongent les sangs…

Bien sûr, la COVID-19 a creusé un déficit de 15 milliards de dollars dans le budget du Québec. Même quand l’orage sera passé, la pandémie laissera la province avec un déficit structurel de 6,5 milliards par année.

PHOTO JACQUES BOISSINOT, LA PRESSE CANADIENNE

Le ministre des Finances, Eric Girard, et le premier ministre, François Legault

Normalement, Québec devrait revenir à l’équilibre d’ici cinq ans pour se conformer à la Loi sur l’équilibre budgétaire qui a permis d’assainir considérablement les finances publiques du Québec dans le passé.

Mais il aurait été bien difficile d’atteindre cette cible sans augmentation d’impôt, un autre mot tabou dans le dictionnaire de la CAQ.

Pour résoudre la quadrature du cercle, le ministre des Finances a plutôt choisi de prendre sept ans pour sortir du rouge. C’était la bonne décision. Cela nous donnera le temps de panser nos plaies et de relancer l’économie qui sort d’une crise économique sans précédent.

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Les efforts pour résorber le déficit commenceront à être déployés lorsque le Québec aura retrouvé le plein emploi, soit en 2022. Tiens, comme ça tombe bien : les élections seront passées quand viendra le temps de faire des choix plus difficiles.

Mais rendus là, les cordons de la bourse seront serrés. À l’extérieur de la santé et de l’éducation, les dépenses seront même complètement gelées, selon le budget.

Alors, l’austérité n’est pas si loin à l’horizon…

Sauf qu’entre-temps, on pourrait avoir de bonnes surprises, car le ministre est resté prudent.

D’abord, il n’a pas inclus dans ses calculs l’augmentation espérée de six milliards par année des transferts en santé. Justement, en plein milieu du huis clos du budget, le gouvernement fédéral a annoncé un cadeau aux provinces. Non, il ne s’agit pas d’un montant récurrent comme elles le réclament en chœur à Ottawa, mais cela apportera quand même 900 millions à Québec à court terme.

Et si le programme national de garderies d’Ottawa voit le jour, Québec, qui a déjà son propre système, recevra une compensation.

Finalement, il faut dire que les prévisions de croissance économique du ministre des Finances sont environ 1 % inférieures à celle des économistes du secteur privé. Alors, on pourrait avoir davantage d’eau au moulin si la relance est plus vigoureuse que prévu.

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Pour stimuler la reprise, Québec joue la méthode classique. Il ajoute notamment 4,5 milliards à son plan d’investissements en infrastructures.

D’un côté, il s’agit d’une bonne nouvelle, car près de la moitié de nos infrastructures sont dans un état de décrépitude avancée. Nids-de-poule, écoles mal ventilées, vous voyez le portrait ? Mais d’un autre côté, la main-d’œuvre est déjà si rare dans la construction que cette offensive risque de pousser les prix à la hausse.

C’est le prix à payer pour rattraper des années de retard d’entretien.

Pour résoudre la pénurie de main-d’œuvre, Québec mise aussi sur la formation et la requalification, puisque 120 000 personnes n’ont toujours pas retrouvé leur poste dans les secteurs plus malmenés.

Le gouvernement débloque aussi 246 millions pour aider les immigrants à s’intégrer au milieu du travail. Il relèvera les seuils d’immigration pour rattraper le retard accumulé à cause de la COVID-19. Mais à long terme, il devra en faire plus.

Sinon, il sera bien difficile de créer des emplois, alors que la population active décroît.

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