GNL Québec est mort. Ce mégaprojet de liquéfaction de gaz naturel ne sera jamais érigé sur les rives du Saguenay, c’est maintenant clair comme de l’eau de fjord.

Le rapport du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE) dévoilé mercredi pointe tellement d’écueils différents que les politiciens ne peuvent plus défendre le projet. Le ministre de l’Environnement Benoît Charette a reconnu qu’il ne respecte aucune des trois conditions du gouvernement : montrer une acceptabilité sociale, favoriser la transition énergétique et contribuer à la réduction mondiale des gaz à effet de serre.

Oui, le promoteur peut encore essayer de répondre aux préoccupations. Mais s’il n’y est pas parvenu lors des audiences du BAPE, on voit mal comment il pourra le faire après.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, ARCHIVES LA PRESSE

Greenpeace est farouchement contre GNL Québec.

Bref, c’est fini.

Il s’en trouvera pour dire que les écolos ont tué ce projet de 14 milliards de dollars. Qu’on a favorisé l’environnement au détriment de l’économie. Que les bélugas ont gagné contre les emplois.

C’est faux.

Ce que montre cette histoire, c’est qu’il est désormais impossible de séparer l’environnement de l’économie. Que les deux sont intégrés et indissociables. Et que GNL Québec ne s’inscrit pas dans cette nouvelle réalité.

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Le gaz naturel est un combustible polluant, mais moins que d’autres. La thèse défendue par les promoteurs de GNL Québec est qu’il peut aider à réaliser la transition énergétique entre le charbon et les énergies renouvelables.

C’est loin d’être farfelu. Pour améliorer son bilan environnemental, par exemple, l’Allemagne veut se défaire rapidement à la fois du charbon et du nucléaire. Elle passera par le gaz naturel, que GNL Québec voie le jour ou non.

Il est aussi vrai qu’en utilisant l’hydroélectricité pour liquéfier le gaz naturel, le Québec aurait pu lui en fournir du plus propre que celui produit ailleurs.

Le hic, c’est qu’une transition est par définition temporaire. Et que des infrastructures comme celles de GNL Québec sont construites pour 50 ans.

Citant des prévisions de l’Agence internationale de l’énergie, le BAPE conclut que la demande pour le gaz naturel en Europe fléchira dès 2026… juste au moment où GNL Québec commencerait à en exporter.

La demande en Asie risque de se poursuivre plus longtemps. Mais les terminaux existants ou déjà en construction ailleurs « suffiraient pour combler la demande jusqu’en 2030 et risqueraient d’être en surnombre au-delà de 2040 », écrit le BAPE.

Bref, dans un monde qui cherche à s’affranchir du carbone, GNL Québec arrive trop tard.

Vous ne croyez ni le BAPE ni l’Agence internationale de l’énergie ? Sachez que les investisseurs semblent partager cette analyse. Pressentis pour investir, Warren Buffett et son fonds Berkshire Hathaway passeront finalement leur tour. Il est vrai qu’on en ignore les raisons, mais on note que personne ne s’est précipité pour prendre leur place. Si bien que le financement est encore branlant.

Le Devoir rapportait récemment que les promoteurs de GNL Québec en sont réduits à passer le chapeau auprès des gens d’affaires locaux pour des contributions d’un minimum de 1,6 million de dollars.

Pour un projet qui se chiffre en milliards, disons que ça frôle le sociofinancement… et la tentative désespérée.

Oui, les écologistes ont soulevé des préoccupations importantes sur la protection du béluga et les gaz à effet de serre. Mais avant de dire qu’ils ont fait dérailler ce projet, gardons en tête que les investisseurs n’en voulaient pas non plus.

Pour bien des gens au Saguenay, l’abandon du projet sera un coup dur. On les comprend. Il est indiscutable que GNL Québec aurait contribué à la diversification économique de la région et créé des emplois. Pour faire passer la pilule, Québec pourrait profiter de la relance verte pour tenter d’y attirer des investissements.

Aluminium carboneutre ? Biomasse et valorisation de la forêt ? La transition énergétique ne fera pas que des perdants. L’heure est venue de se placer du côté des gagnants.

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