Ça ne sent pas bon dans les Forces armées canadiennes et il est temps de « changer l’odeur dans la pièce ». « D’ouvrir les fenêtres » pour que les émanations liées à la « culture toxique » disparaissent enfin.

L’image forte et pertinente n’est pas de nous, mais d’une des femmes de plus haut rang dans l’organisation militaire, la majore-générale Jennie Carignan, première femme à avoir dirigé les forces terrestres d’une mission internationale de l’OTAN. Et en Irak, de surcroît.

En marge d’une conférence prononcée à l’invitation du Conseil des relations internationales de Montréal (CORIM) mardi, la militaire n’est pas passée par quatre chemins pour dire qu’elle est « choquée » par les récentes allégations d’inconduite sexuelle qui se multiplient et qui visent même l’ancien chef d’état-major de la Défense Jonathan Vance et celui qui lui a succédé brièvement, Art McDonald.

Les deux hommes avaient promis d’être les capitaines de l’Opération honneur pour venir à bout des inconduites sexuelles dans les rangs, mais l’ont plutôt mise en eaux troubles. On nage ces jours-ci en plein #metoo à la sauce militaire.

PHOTO JEFF MCINTOSH, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

« [Le ministre de la Défense, Harjit Sajjan,] a hérité à son arrivée du rapport de l’ancienne juge Marie Deschamps, qui expliquait l’ampleur du problème et la voie à suivre. Certaines réformes ont été mises en place, mais on attend encore un organisme indépendant pour gérer les plaintes d’agressions sexuelles, à l’extérieur de la hiérarchie militaire », rappelle notre éditorialiste.

Contrairement à la lieutenante-colonelle Eleanor Taylor qui, dégoûtée, a démissionné des Forces armées après 25 ans de service, la majore-générale Carignan veut contribuer à la réforme réclamée à hauts cris depuis de nombreuses années. La Québécoise note cependant que la présence de plus de femmes au haut commandement de l’armée ne réglera pas tout. « Ce n’est pas un silver bullet [remède magique]. Nous les femmes, nous avons été élevées dans la culture ambiante [de l’organisation]. Nous devons faire un examen de conscience autant que tous nos collègues dans les forces canadiennes », dit-elle. Intéressant.

Le ministre de la Défense, Harjit Sajjan, devrait tendre l’oreille. Ces jours-ci, l’ancien militaire devenu politicien est sur la défensive. Il considère qu’il n’a rien à se reprocher dans le dossier des officiers supérieurs frappés par une enquête, et ce, malgré ceux qui disent avoir essayé de le mettre au courant, dont l’ancien ombudsman militaire.

Au lieu de jouer à « ta parole contre la mienne », peut-être que le ministre Sajjan aurait intérêt à faire lui aussi un bon examen de conscience afin de voir s’il n’a pas le nez trop collé sur la vitre des Forces armées pour superviser le grand ménage en leur sein.

Il est aux commandes du ministère de la Défense depuis 2015, mais ce travail ne semble que commencer. Il a pourtant hérité à son arrivée du rapport de l’ancienne juge Marie Deschamps, qui expliquait l’ampleur du problème et la voie à suivre. Certaines réformes ont été mises en place, mais on attend encore un organisme indépendant pour gérer les plaintes d’agressions sexuelles, à l’extérieur de la hiérarchie militaire.

Justin Trudeau a promis récemment d’aller en ce sens, mais disons que le gouvernement a eu besoin de pas mal de pression pour en arriver là.

Le ministre Sajjan doit aussi se demander s’il sera l’homme de la situation pour réformer la justice militaire en général, qui a elle aussi du plomb dans l’aile. Des procès, dont certains impliquant des inconduites sexuelles, ont avorté parce que des juges militaires, imbriqués dans la structure de commandement, se trouvaient en situation de conflits d’intérêts ou remettaient en cause leur propre indépendance.

L’ancien juge de la Cour suprême Morris Fish doit rendre un rapport sur la question avant juin 2021. Espérons que le gouvernement passera vite à l’action.

Car pour se débarrasser des effluves toxiques qui minent la culture centenaire d’une organisation comme les Forces armées canadiennes, ça va prendre beaucoup plus que des fenêtres ouvertes. Ça va carrément prendre un « échangeur d’air ».

Cette image-là aussi est celle de la majore-générale Carignan, qui, à partir d’avril, deviendra commandante adjointe du chef du personnel militaire. En coulisses, plusieurs estiment qu’elle sera plus tôt que tard à la tête de l’appareil militaire canadien en entier.

Petite bouffée d’espoir.

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