À coups de hache ou à coups de couteau. À Sainte-Sophie ou à Saint-Léonard. La série noire de féminicides qui frappe le Québec depuis quelques semaines est l’expression la plus terrible des conséquences de la COVID-19 sur les femmes.

Lutter contre la violence conjugale doit être une priorité absolue.

Mais il faut aussi se préoccuper du recul des femmes sur le marché du travail provoqué par la COVID-19, même si cela fait moins la manchette.

Disons-le haut et fort, les femmes ont plus lourdement écopé que les hommes parce qu’elles sont davantage présentes dans le commerce de détail, la restauration et l’hôtellerie. Elles ont aussi été beaucoup plus nombreuses à quitter leur boulot pour s’occuper des enfants.

PHOTO ALAIN ROBERGE, ARCHIVES LA PRESSE

Les femmes ont plus lourdement écopé que les hommes parce qu’elles sont davantage présentes dans le commerce de détail, la restauration et l’hôtellerie. Elles ont aussi été beaucoup plus nombreuses à quitter leur boulot pour s’occuper des enfants.

Résultat ? Au Canada, il y a 10 fois plus de femmes que d’hommes – 100 000 contre 10 000 – qui ont complètement quitté le marché du travail depuis le début de la pandémie, rapporte RBC.

Et voilà que Québec a annoncé dimanche un investissement de 120 millions dans l’industrie de la construction qui compte bien peu de femmes et souffre déjà d’une pénurie de main-d’œuvre.

Ce n’est certainement pas en investissant dans le béton que les gouvernements feront une fleur aux femmes. Non, il faut chercher ailleurs des solutions pour s’assurer qu’elles participent à la reprise.

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Québec pourrait commencer par régler le manque de places chronique en garderie. Une liste d’attente de plus de 50 000 noms, c’est insensé.

Derrière ces noms, il y a des femmes au bord de la crise de nerfs parce qu’elles sont incapables de retourner au boulot. Il y a des familles qui sont forcées de payer le gros prix pour envoyer leur tout-petit dans une garderie non subventionnée qui coûte jusqu’à 70 $ par jour.

Elles paient leurs impôts comme tout le monde, mais elles n’ont pas accès au service.

Vite, il faut construire suffisamment de CPE ou convertir des garderies privées. Mais en attendant, Québec pourrait bonifier à nouveau son crédit d’impôt – davantage réclamé par des femmes – pour absorber une plus grande partie de la facture des parents qui ne trouvent pas de place en CPE, à 8,50 $ par jour.

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De son côté, Ottawa devrait réformer l’assurance-emploi (AE), dont les règles actuelles pénalisent les femmes, comme le dénonçait un rapport du Comité permanent de la condition féminine… en 2009.

Douze ans plus tard, rien n’a changé.

Le hic, c’est que depuis 1996, l’admissibilité aux prestations est établie en fonction du nombre d’heures travaillées, plutôt que du nombre de semaines. Cela favorise les travailleurs saisonniers qui font de longues heures en peu de temps, au détriment de ceux qui ont un emploi à temps partiel dans la restauration ou le commerce de détail, par exemple. Or, on sait qu’une femme sur quatre travaille à temps partiel, contre seulement un homme sur huit. D’où l’iniquité flagrante.

La ministre de l’Emploi, Carla Qualtrough, qui a le mandat de revoir l’AE, devrait profiter de l’occasion pour permettre aux femmes de toucher des prestations si elles perdent leur travail à l’issue d’un congé de maternité, comme Ottawa l’a d’ailleurs permis avec la Prestation canadienne d’urgence (PCU).

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Les employeurs doivent aussi être vigilants.

Dans la planification du retour au bureau, plusieurs réfléchissent à un modèle de travail hybride où les employés auront davantage de flexibilité pour continuer à travailler à la maison. Bonne idée. Après tout, une réunion peut très bien de dérouler avec des employés au bureau et d’autres en télétravail. Sauf qu’une fois l’écran fermé, les discussions informelles se poursuivront et les décisions risquent de se prendre sans l’apport de ceux – ou celles – qui sont à la maison.

Il faut donc éviter que les femmes sacrifient de manière inconsciente le développement de leur carrière en choisissant de travailler davantage à la maison afin de mieux concilier travail et famille.

Les entreprises qui offrent le télétravail en toute bonne foi doivent s’assurer que cela ne produise pas d’effets pervers inattendus. Déjà, les femmes ont été les perdantes de la pandémie. Ce serait bien le comble si elles étaient aussi les perdantes de la reprise.

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