Vous cherchez un véhicule récréatif ? Bonne chance, ils sont en rupture de stock. Vous pensiez faire des rénovations ? Attention : le prix des panneaux de bois a quadruplé. Vous êtes à la recherche d’une maison ? Faites la file, car la surenchère bat son plein même si les prix ont grimpé de 100 000 $ à Montréal depuis un an.

Il n’y a pas à dire, la COVID-19 a provoqué une très curieuse récession. Et même si ça chauffe dans plusieurs secteurs de l’économie, Ottawa est prêt à dépenser jusqu’à 100 milliards pour relancer les moteurs d’ici trois ans.

Alors que le fédéral a encaissé un déficit monstre de 400 milliards pour lutter contre la pandémie l’an dernier, il faut y penser à deux fois avant d’ajouter autant de bûches dans le foyer juste au moment où le beau temps se pointe. Sinon, on risque de suer à grosses gouttes lors de la prochaine canicule.

Déjà, Ottawa n’y est pas allé avec le dos de la cuillère durant la pandémie.

En 2020, il a envoyé aux ménages des chèques qui ont largement surcompensé leur perte de salaire.

PHOTO CHRIS WATTIE, ARCHIVES REUTERS

« Alors que le fédéral a encaissé un déficit monstre de 400 milliards pour lutter contre la pandémie l’an dernier, il faut y penser à deux fois avant d’ajouter autant de bûches dans le foyer juste au moment où le beau temps se pointe », écrit notre éditorialiste.

Abonnés malgré eux à la simplicité volontaire, ceux-ci ont donc accumulé une montagne d’épargnes de plus 200 milliards. Bien sûr, les risques d’une troisième vague comme en France ou en Italie ne sont pas écartés. Mais lorsque le confinement sera enfin terminé, les gens auront des munitions dans leur portefeuille pour faire des emplettes.

C’est sans compter qu’avec la hausse de l’immobilier et de la Bourse, les Canadiens se sont enrichis d’un montant phénoménal de 822 milliards. Même si tout cela est sur papier, leur sentiment de richesse risque de les encourager à dépenser.

Et du côté des entreprises, le plan de relance de 1900 milliards US adopté aux États-Unis devrait apporter de l’eau au moulin.

Bref, il flottera bientôt dans l’air une allégresse d’après-guerre.

Tout cela milite pour un meilleur ciblage de l’aide gouvernementale. Les élus doivent résister à l’envie de faire un budget électoraliste contenant des mesures non prioritaires.

S’il était peut-être justifié de viser tous azimuts dans l’urgence de la crise, il faut maintenant concentrer les efforts sur les secteurs qui restent moribonds.

Il faut une relance, mais là où ça fait mal.

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Pour redémarrer la machine, Ottawa doit agir en collaboration avec les provinces qui réalisent 85 % des dépenses en infrastructures au pays.

Mais c’est mal parti, puisque le gouvernement fédéral n’a toujours pas daigné annoncer la date de son prochain budget, un exercice auquel il ne s’est pas soumis depuis deux ans. Il est aberrant que les provinces soient obligées de présenter leur propre budget sans connaître le plan d’Ottawa.

Pour la cohérence, il faudra repasser.

On a une idée des priorités du fédéral, mais rien de précis.

Chose certaine, le prochain budget doit miser sur des mesures porteuses d’avenir, à commencer par la lutte contre le réchauffement climatique.

Et il ne s’agit pas seulement de distribuer des cadeaux en encourageant les gens à se procurer des voitures électriques. Il faudra aussi parler d’écofiscalité, même si ce n’est pas populaire.

La relance doit aussi se conjuguer au féminin.

On le sait, les femmes ont été les grandes perdantes de la récession. Les pertes d’emploi ont été particulièrement douloureuses pour celles qui ont un faible salaire, qui font partie d’une minorité visible ou qui ont des enfants.

On peut donc se réjouir de l’intention de la ministre des Finances, Chrystia Freeland, de développer un service de garde national sur le modèle du Québec. De l’argent frais Ottawa aiderait d’ailleurs à résoudre le manque de places chronique dans nos CPE.

Au Québec, l’arrivée des garderies subventionnées a contribué à faire bondir le taux de participation des femmes au marché du travail de 68 % en 1996 à 80 % en 2020, bien au-dessus de la moyenne canadienne de 76 %.

Si les autres provinces emboîtaient le pas, quelque 300 000 femmes pourraient s’ajouter à la population active, a déjà avancé le patron de la Banque du Canada. Il s’agirait d’un puissant levier de relance économique et d’une belle façon de lutter contre les problèmes de pénurie de main-d’œuvre qui ne tarderont pas à revenir.

Mais il n’y a rien de gratuit dans la vie. Alors, avant de se lancer dans de nouvelles dépenses récurrentes, il est essentiel d’en prévoir le financement à long terme.

N’oublions pas que la COVID-19 a ramené nos finances publiques 20 ans en arrière d’un coup sec, en faisant bondir le niveau de la dette de 30 % à 50 % du PIB, grosso modo.

Comme les taux d’intérêt sont au plancher, beaucoup d’économistes estiment que le ratio dette/PIB devrait diminuer sans trop de sacrifices, simplement parce que l’économie augmentera plus vite que la dette.

C’est possible. Mais en misant sur une telle stratégie, nos finances publiques restent vulnérables à un autre choc. Allons-y doucement avant de nous lancer dans les dépenses.

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