Pas croyable ! Presque 20 ans plus tard, voici le même film qui reprend l’affiche.

À la place d’Éric et Lola dans les rôles-titres, on retrouve maintenant Pierre et Nathalie qui vécurent heureux durant 30 ans, eurent quatre enfants… puis se séparèrent sans la moindre protection.

Encore une fois, le scénario est signé par la flamboyante spécialiste en droit de la famille Me Anne-France Goldwater, qui plaidera devant les tribunaux que les couples qui vivent en union de fait au Québec devraient avoir les mêmes droits que les couples mariés.

On n’en serait pas là si le gouvernement du Québec avait fait ses devoirs, comme le lui avait demandé, en 2013, la Cour suprême à l’issue de la saga ultra-médiatisée d’Éric et Lola.

Mais depuis sept ans, rien n’a bougé, malgré une enfilade de consultations.

PHOTO BERNARD BRAULT, ARCHIVES LA PRESSE

« Pendant que les politiciens se lancent la patate chaude, les conjoints de fait et leurs enfants sont toujours aussi mal protégés », déplore Stéphanie Grammond.

En 2015, un comité consultatif a présenté une vaste réforme, dans la salle du palais de justice de Montréal où on célèbre normalement les mariages. Mais le rapport de 596 pages a été « tabletté » par le gouvernement libéral qui n’a pas voulu s’embarquer dans cette réforme délicate, même s’il disait le contraire.

Soucieuse de faire cheminer la réflexion, la Chambre des notaires a organisé une commission citoyenne en 2018… ce qui n’a pas empêché la CAQ de refaire son propre exercice de consultation en 2019.

On attend toujours le rapport.

Pendant que les politiciens se lancent la patate chaude, les conjoints de fait et leurs enfants sont toujours aussi mal protégés, parce que nos lois datant de 40 ans sont complètement déphasées par rapport à la réalité des familles d’aujourd’hui.

Dans toutes les autres provinces, les conjoints de fait ont pratiquement les mêmes obligations que les couples mariés, après trois ans de vie commune ou la naissance d’un enfant.

En cas de séparation, ils ont droit à une pension alimentaire et au partage de certains biens. En cas de décès, ils ont droit à la succession.

Au Québec, niet.

En cas de rupture ou de décès, le conjoint de fait n’a droit à rien, ce qui est paradoxal puisque c’est chez nous que cette forme d’union est la plus répandue. Environ 40 % des couples vivent en union de fait et 60 % des enfants naissent hors mariage.

Or, bien des familles ne sont pas au courant de ce vide juridique et risquent de se retrouvent dans le pétrin.

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Le ministre de la Justice Simon Jolin-Barrette semble motivé à remplir la promesse de la CAQ d’accoucher d’une réforme d’ici la fin de son mandat.

Mais depuis un an, la pandémie a monopolisé l’attention du gouvernement et la réforme de la loi 101 risque d’accaparer le ministre au cours des prochains mois.

Or, le temps commence à presser si la CAQ veut mener à bien la réforme du droit de la famille avant les prochaines élections. Les enjeux sont complexes et variés (exemples : mères porteuses, origines des enfants adoptés). Et la voie n’est pas tracée d’avance.

En matière de conjugalité, par exemple, l’objectif n’est pas nécessairement d’étendre aux conjoints de fait le régime qui s’applique actuellement aux couples mariés, à la manière des autres provinces. Les comités qui se sont penchés sur la question proposent plutôt de concevoir un nouveau cadre, plus souple, qui s’appliquerait à partir du moment où les couples ont des enfants communs.

Cette formule viserait autant les couples mariés que ceux en union de fait, ce qui aurait le mérite d’être équitable.

Cette approche aurait aussi l’avantage de cibler les conjoints les plus susceptibles de subir un préjudice en cas de rupture, c’est-à-dire les parents qui ont mis la pédale douce sur leur carrière pour s’occuper de leur petite famille.

Elle n’imposerait pas aux autres couples des contraintes qui pourraient nuire plus qu’aider. Imaginez des conjoints qui se rencontrent après avoir eu chacun leur famille. Leur imposer le partage du patrimoine familial priverait les enfants de la première couche.

Il est clair que la réforme du droit de la famille est un sujet délicat et émotif. Les parlementaires qui se souviennent de la mise en place du partage du patrimoine familial, en 1989, vous diront que l’Assemblée nationale n’avait jamais été aussi déchirée.

Mais on a assez attendu. C’est le temps d’accoucher. Et pas d’une souris. Pas d’une demi-réforme juste pour donner l’impression que la promesse est remplie.

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