La classe médiatique braque ses projecteurs, à une semaine d’un congrès du Parti conservateur, sur le nouveau chef : Erin O’Toole.

On s’étonne, tout particulièrement au Canada anglais, de voir que sa popularité est anémique – encore plus que celle de son prédécesseur, Andrew Scheer – et que les conservateurs ne devancent pas les libéraux de Justin Trudeau dans les sondages.

PHOTO ADRIAN WYLD, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Le chef conservateur Erin O’Toole

On rapporte de la grogne au sein du caucus.

On fait remarquer que le parti demeure divisé.

Tout ça est vrai.

Mais disons-le, le nouveau chef du Parti conservateur faisait face à une mission (presque) impossible à son arrivée à la tête de la formation politique.

Son parcours jusqu’ici n’est pas sans faute, mais mettez le politicien le plus habile du pays à sa place et il aurait malgré tout besoin de temps pour atteindre ses objectifs.

Et ça ne fait même pas sept mois qu’Erin O’Toole est en place.

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La gestion de la pandémie par Ottawa n’a pas été exemplaire. Loin de là. Les conservateurs l’ont relevé, sans toutefois être en mesure d’en tirer profit.

À leur décharge, en temps de crise, les citoyens ont tendance à serrer les rangs autour de leurs dirigeants et à ne pas vouloir changer de monture en plein milieu de la course.

Nous sommes bien placés, au Québec, pour valider cette hypothèse. La province a été la pire au pays quant au nombre de cas et de décès. Pourtant, la CAQ de François Legault caracole en tête des sondages alors que l’opposition doit se contenter de miettes.

Notons aussi qu’une crise de cette ampleur n’est pas l’occasion idéale pour faire connaître un nouveau chef. Parlez-en à Paul St-Pierre Plamondon !

Ajoutons que certaines idées traditionnelles des conservateurs peuvent être plus difficiles à vendre. Les diverses prestations et mesures d’aide nous permettent de constater l’importance de l’État dans nos vies davantage qu’en temps normal.

Le conservatisme fiscal, forcément, est moins attrayant.

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La pandémie n’est pas le seul défi qu’avait à surmonter Erin O’Toole.

Une autre mission impossible à achever en l’espace de quelques semaines : recentrer son parti et dompter l’aile radicale. Notamment pour prouver plus efficacement qu’Andrew Scheer que le conservatisme social ne sera pas mis au premier plan s’il est élu.

Et pour prouver qu’il « n’y a pas de place pour l’extrême droite » dans son parti, comme il l’a dit en janvier dernier.

Des conservateurs plus radicaux semblent aujourd’hui juger que l’ère des accommodements raisonnables, découlant du grand compromis entre les progressistes-conservateurs et les réformistes au début des années 2000, est terminée.

Un exemple récent : les militants qui s’opposent à l’avortement ont voulu mener une offensive pour faire changer la position officielle du parti à ce sujet lors du prochain congrès de la formation politique. La fronde semble cependant avoir été contenue.

Certains disent qu’Erin O’Toole a été maladroit en expulsant le controversé député Derek Sloane, celui qui a notamment mis en doute la loyauté de l’administratrice en chef de la santé publique Theresa Tam et qui s’est opposé au projet de loi interdisant les thérapies pour modifier l’orientation sexuelle, comparant la législation à de la maltraitance d’enfants.

Le chef conservateur n’a peut-être pas fait dans la dentelle, mais ce geste et le message qu’il incarne représentent des preuves de leadership.

Il faut s’en réjouir, d’ailleurs. L’insurrection du 6 janvier aux États-Unis nous a montré le péril qui guette, à notre époque, les partis qui se montrent trop complaisants avec leurs éléments les plus radicaux.

En somme, O’Toole n’a pas compté dans son propre but.

Il est en train de choisir l’équipe qu’il veut diriger, visiblement conscient qu’il a entre les mains le destin de son parti.

Jusqu’à un certain point, son travail s’apparente actuellement à celui du nouvel entraîneur du Canadien, Dominique Ducharme.

Mais pour les raisons exposées plus tôt, il est parfaitement normal que l’effet O’Toole ne se fasse pas sentir aussi rapidement que l’effet Ducharme.

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