Jusqu’à quel point faut-il s’inquiéter de l’impact de la pandémie sur la réussite scolaire et, par conséquent, sur l’avenir de nos jeunes ?

La question fait encore débat, mais une toute nouvelle étude apporte de l’eau au moulin de ceux qui se font des cheveux blancs.

La raison est toute simple : l’étude démontre que les enseignants du primaire sont eux-mêmes inquiets.

Cette précieuse contribution à la discussion en cours est l’œuvre d’un groupe de trois chercheuses de l’UQAM. Marie-Hélène Giguère, Catherine Turcotte et Nathalie Prévost ont interrogé 175 enseignants au sujet des compétences des élèves en lecture et en écriture depuis septembre 2020.

Pas moins de 70 % des enseignants ont dit être plus inquiets que d’habitude quant à la réussite de leurs élèves en lecture, et 67 %, en écriture.

Selon une majorité d’enseignants, les élèves sont arrivés en classe en début d’année avec des habiletés plus faibles que par le passé en lecture et en écriture.

Les faiblesses ont été particulièrement flagrantes en ce qui concerne la fluidité en lecture, la compréhension de longs textes et la compréhension des mots rares ou inconnus.

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Le mois dernier, le ministère de l’Éducation a publié une étude sur le retard scolaire potentiel des élèves du Québec en analysant les notes du premier bulletin dans 214 écoles.

Le ministre Jean-François Roberge avait jugé cette analyse rassurante.

On rapportait notamment une légère hausse du taux d’échec en mathématiques (de troisième à cinquième secondaire) et en français (de deuxième à cinquième secondaire). La « catastrophe annoncée » n’avait donc pas eu lieu, avait-il dit.

L’étude publiée par l’UQAM vient, pour sa part, nous rappeler que nous ne sommes pas encore à l’abri d’une catastrophe.

Le nombre de jeunes en situation d’échec n’a pas bondi de façon disproportionnée, c’est vrai. Mais les observations des enseignants interrogés révèlent que le taux de réussite ne dit pas tout.

Les jeunes peuvent obtenir la note de passage, mais éprouver malgré tout de sérieuses difficultés d’apprentissage liées à la crise qu’on traverse.

C’est d’autant plus plausible que bien des professeurs ont revu à la baisse ce qu’ils enseignent à leurs élèves cette année. Ils ont mis l’accent sur les savoirs essentiels.

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Entendons-nous, l’idée n’est pas de stigmatiser les jeunes, ils ont déjà assez de pression comme ça. Ni de blâmer les enseignants.

Il est parfaitement normal de constater des retards sur le plan des apprentissages. Tout comme il est normal de revoir nos attentes.

Les vacances d’été peuvent provoquer un déclin pédagogique, la chose a été documentée. Or, les bouleversements liés à la COVID-19 au cours de la dernière année ont été nettement plus perturbants pour nos enfants.

N’empêche, il y a comme une odeur d’urgence qui se dégage de l’étude de l’UQAM.

On ne dira jamais assez à quel point il est important d’acquérir très tôt au primaire des compétences de base en lecture et en écriture.

Divers experts nous le rappellent depuis des années. Des retards peuvent avoir un impact déterminant sur la réussite scolaire des jeunes par la suite.

Les trois chercheuses de l’UQAM réclament d’ailleurs la mise en place rapide de mesures de soutien et de rattrapage « pour éviter que les inquiétudes rapportées dans notre enquête deviennent des difficultés avérées et se perpétuent au cours du cheminement scolaire de ces élèves ».

Pour ça, il va falloir lutter avec l’énergie du désespoir contre la force d’inertie du réseau.

Un exemple parmi d’autres : comment expliquer le fait qu’encore une quarantaine d’orthopédagogues à Montréal ne peuvent pas faire leur travail auprès des élèves en difficulté parce qu’on leur demande de remplacer des enseignants ?

Cette situation intolérable traîne depuis l’automne dernier, Rima Elkouri en a reparlé récemment.

> (Re)lisez la chronique de Rima Elkouri

De telles aberrations prouvent que certains acteurs du réseau ne font pas encore tout ce qui est en leur pouvoir pour mettre toutes les chances du côté de nos jeunes.

Qu’est-ce qu’ils attendent ?

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