Cela fait plus de deux ans que l’abcès chinois sur la gencive canadienne enfle de façon incontrôlable sans qu’on parvienne à le gérer.

Le moment est venu de le crever.

On parle ici, bien sûr, du dossier de Meng Wanzhou, lié – quoi qu’en disent les autorités chinoises – à celui de la détention de deux Canadiens en Chine.

PHOTO JONATHAN HAYWARD, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Meng Wanzhou, directrice financière de Huawei, à son domicile de Vancouver en janvier dernier

Avec Donald Trump à la Maison-Blanche, ce n’était pas possible.

Le président républicain n’a jamais manifesté un grand intérêt pour le sort des deux prisonniers. Et son attitude à l’égard de la Chine n’était pas propice à une résolution de cette crise.

Avec Joe Biden, ça pourrait être différent. « Nous allons travailler ensemble jusqu’à ce que nous obtenions leur retour en toute sécurité », a-t-il dit mardi au sujet de Michael Kovrig et de Michael Spavor, à l’issue de sa rencontre virtuelle avec Justin Trudeau.

Notons aussi que le Canada a reçu l’appui des États-Unis à la mi-février lorsqu’il a lancé une initiative mondiale contre les détentions arbitraires.

On a des mots qui sonnent.

On attend maintenant des gestes qui résonnent.

* * *

Reconnaissons que l’affaire est complexe pour le président américain.

Au cœur des décisions qu’il aura à prendre, il y a la question de l’indépendance du ministère de la Justice américain. Celui-ci est à l’origine de la décision d’inculper Meng Wanzhou et le président ne peut généralement pas lui imposer ses vues.

Donald Trump s’en fichait éperdument, mais Joe Biden prendra assurément cet enjeu au sérieux. Pourrait-il trouver une solution de rechange ? Impliquer son secrétaire d’État et improviser une façon de suspendre la demande d’extradition faite à Ottawa, par exemple ?

Ce qui est sûr, c’est qu’on va avoir besoin d’une bonne dose de créativité de la part de la Maison-Blanche.

Mais peu importe la solution envisagée, l’important est d’en trouver une.

Rapidement.

Et pour ça, il faudra, par-dessus tout, de la part de l’administration Biden, une réelle volonté d’utiliser son capital politique pour y parvenir. Cet abcès, le Canada ne peut pas le crever tout seul.

Allons-y donc d’une estimation : au cours des prochains mois, la valeur du renouvellement de la relation entre les deux pays pourra se mesurer à la quantité d’énergie déployée par l’administration américaine pour régler cette crise.

* * *

On ne peut pas réécrire l’histoire et c’est dommage. Parce que si c’était à recommencer, le gouvernement canadien refuserait très certainement de mettre le doigt dans cet engrenage.

Il trouverait une façon d’éviter d’avoir à arrêter Meng Wanzhou à la demande de Washington.

Notre relation avec Pékin, depuis, est exécrable. On se trouve donc dans une position très inconfortable.

Mais à quelque chose malheur est bon. À Ottawa, ce litige a eu l’effet d’une secousse sismique ; il a réveillé ceux qui dormaient au gaz quant à la véritable nature du dragon chinois et à l’attitude à adopter à son égard.

Tenez, par exemple, se serait-on autant ému du sort des Ouïghours au Parlement canadien (qui a adopté lundi une motion faisant état d’un « génocide ») en l’absence d’un tel abcès ?

N’eût été, aussi, le mépris avec lequel les diplomates chinois nous traitent depuis quelques années, 266 parlementaires – Justin Trudeau et ses ministres n’ont pas voté – auraient-ils osé faire preuve d’une telle fermeté face à Pékin ?

Et aurait-on autant pris conscience de l’aberration que représente l’attribution des Jeux olympiques à la Chine l’an prochain ?

Probablement pas.

Il reste que l’idée est de ne plus se laisser manger la laine sur le dos et non de bousiller ce qu’il nous reste de liens avec Pékin, qui est à la fois la deuxième puissance mondiale et notre deuxième partenaire commercial.

Pour le gouvernement canadien, c’est l’équivalent de marcher sur un fil de fer tendu entre deux édifices du Parlement.

Un équilibre impossible à atteindre tant que les deux Michael ne seront pas de retour sains et saufs au Canada et que Meng Wanzhou n’aura pas regagné Pékin.

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