Un mot revient dans la bouche des policiers au sujet de la hausse des crimes liés à l’utilisation d’armes à feu à Montréal : banalisation.

Des individus liés à la criminalité – trop souvent des jeunes – ont de moins en moins de scrupules à se procurer une arme à feu. Et à l’utiliser.

Les experts constatent qu’on hésite moins, désormais, à s’afficher sur l’internet en possession d’une arme à feu. Et qu’on a davantage tendance à faire feu simplement pour passer un message, sans nécessairement chercher à abattre quelqu’un.

Les tirs se multiplient, donc. Et les risques de faire des victimes innocentes aussi. La mort d’une adolescente de 15 ans dans Saint-Léonard nous l’a démontré.

Le fait est que depuis plusieurs années, certaines tendances observées aux États-Unis quant aux armes à feu semblent faire des petits de ce côté-ci de la frontière.

Le nombre d’armes en circulation a bondi au Canada. Le nombre d’homicides par armes à feu a grimpé. La lutte contre le contrôle des armes à feu s’est renforcée et les ténors de ce mouvement ont maintenant autant sinon plus d’influence que les groupes comme PolySeSouvient, formé après la tragédie de décembre 1989.

Bref, l’heure est à la valorisation des armes à feu.

Et c’est vrai autant chez les acteurs du lobby des armes à feu que chez les criminels.

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Chez nos voisins, on le sait, les armes à feu font des ravages à un point tel que c’est devenu cauchemardesque.

L’Amérique pleure… et elle déteint sur nous.

Globalement, la situation demeure bien sûr, ici, à des années-lumière de celle des États-Unis. Les armes à feu sont nettement mieux réglementées et le gouvernement libéral vient d’annoncer qu’il va resserrer les règles encore davantage.

Depuis mai dernier, il a mis de l’avant plusieurs initiatives importantes qui auront un impact majeur sur l’encadrement des armes à feu. Il faut s’en réjouir, mais aussi noter qu’il a freiné son élan, mardi, à la fois sur le programme de rachat d’armes (concernant quelque 1500 modèles qui ont été prohibés par Ottawa mai 2020) et sur la question des armes de poing.

Dans le premier cas, il a décidé que le programme ne serait pas obligatoire ; les propriétaires d’armes interdites pourront les conserver, à certaines conditions. La décision a été qualifiée mardi de « trahison pour les familles de victimes qui luttent depuis 30 ans pour une interdiction ». Le gouvernement soutient que son initiative sera efficace, mais il faudra attendre son implantation pour en être convaincu.

Dans le deuxième cas, il a décidé de pelleter l’enjeu dans la cour des villes. Ce sont elles qui devront interdire les armes de poing. N’ayons pas peur des mots : c’est une demi-mesure.

La timidité du gouvernement ne peut s’expliquer autrement qu’en présumant qu’on a eu peur de la réaction des défenseurs des armes à feu. Leur mouvement est devenu une force redoutable – s’inspirant visiblement des militants américains – qui fait trembler les politiciens qui se dressent sur leur chemin.

Plusieurs politiciens ont d’ailleurs décidé de les courtiser, comme le faisait jadis le premier ministre Stephen Harper. On a ainsi fait comprendre au gouvernement Trudeau, tant en Alberta qu’en Saskatchewan, qu’on ne voulait rien savoir d’une interdiction des armes de poing d’un océan à l’autre.

Avec une telle mesure, le gouvernement libéral se serait aussi exposé à une vague de colère à l’extérieur des grandes villes du pays, là où le lobby des armes à feu est le plus puissant.

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Pendant ce temps, à Montréal, de crainte de subir un sort similaire à celui de Toronto (où le nombre d’incidents impliquant une arme à feu oscille chaque année, depuis 2016, autour de 400), on est en mode solution.

L’idée n’est pas de dramatiser la situation outre mesure. La plus grande ville du Québec est encore une métropole très sécuritaire.

Mais le problème est sérieux et toutes les conditions gagnantes ne sont pas réunies pour le régler, en dépit des gestes faits par Ottawa.

En passant à l’action, on aurait tout avantage à faire preuve de lucidité et de détermination.

À reconnaître que la lutte s’annonce longue et pénible… et qu’on va encore pleurer, parfois, nous aussi.

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