Actuellement, dans le milieu de l’enseignement supérieur, on tente d’éteindre les feux sur le pont du bateau (qui ont été allumés par la pandémie), mais on aurait tort de ne pas en profiter pour réparer ce qui fonctionne mal dans la salle des machines.

À commencer par les problèmes sur le plan de la réussite, criants depuis beaucoup trop longtemps (le cas des cégeps est particulièrement troublant).

La bonne nouvelle, c’est que la nouvelle ministre de l’Enseignement supérieur, Danielle McCann, semble se préoccuper autant des nouvelles plaies ouvertes par la COVID-19 (d’où son annonce de jeudi pour ramener les étudiants sur les bancs d’école) que des problèmes structurels du réseau.

PHOTO ALAIN ROBERGE, ARCHIVES LA PRESSE

Cours au cégep Lionel-Groulx de Sainte-Thérèse, en 2018

On le sait parce qu’elle a aussi organisé cette semaine une série de rencontres sur la réussite scolaire avec plusieurs partenaires des cégeps et universités. C’est la dernière étape du chantier qui a débuté à ce sujet en enseignement supérieur l’an dernier.

Penchons-nous ici un instant, si vous le voulez bien, sur le cas spécifique des cégeps – pour lesquels plusieurs ont sonné l’alarme ces dernières années, avec raison – afin de tirer trois constats incontournables :

1. La situation est intenable.

2. Ce chantier est crucial et doit être suivi d’actions efficaces.

3. On a d’autant moins droit à l’erreur que des travaux nous permettent maintenant d’identifier les facteurs de risque et, donc, de déceler quels sont les élèves les plus susceptibles de décrocher, pour ensuite trouver des façons de les en empêcher.

Rappelons que le taux d’obtention d’un diplôme tourne autour de 65 % et qu’il stagne depuis une vingtaine d’années.

Les experts vous diront que la clientèle des cégeps a changé. Qu’on y retrouve aujourd’hui davantage d’élèves vulnérables – on a vu notamment, en 10 ans, une hausse de 700 % du nombre de jeunes en situation de handicap. C’est vrai. Et le fait est que si aucun effort n’avait été déployé pour favoriser la réussite au cours de cette période, le bilan serait encore pire.

N’empêche qu’on ne peut pas tolérer l’intolérable.

N’oublions pas non plus que pour accéder au marché de l’emploi, avoir terminé des études postsecondaires est plus crucial que jamais auparavant. C’est un préalable pour environ huit nouveaux emplois créés sur dix au Québec.

Il faut agir. Il n’y a plus d’excuses, car on possède une connaissance de plus en plus fine des catégories d'élèves susceptibles de décrocher avant d’avoir obtenu leur diplôme.

Deux études importantes viennent d’être effectuées simultanément et leurs résultats convergent.

La première, menée par quatre chercheurs et dirigée par Richard Guay, confirme notamment que les notes obtenues en quatrième et cinquième secondaire ont un impact fondamental sur la réussite et que les garçons sont particulièrement à risque.

Les résultats de cette recherche, publiés l’an dernier dans un ouvrage intitulé La réussite scolaire au collégial (qui devrait être distribué à tous les fonctionnaires du Ministère !), mettent le doigt là où ça fait vraiment mal.

Ils ont par exemple découvert que, parmi les élèves ayant obtenu un résultat médian de 75 % aux examens du Ministère de quatrième et cinquième secondaire, la probabilité de ne pas obtenir de diplôme deux ans après la durée prévue de la formation est de 42 % chez les garçons et de 28 % chez les filles.

L’impact des résultats des élèves au secondaire sur leur capacité d’obtenir leur DEC au terme de leur parcours et l’écart entre garçons et filles (on parle de 10 points d’écart entre les deux quant au taux de réussite) figurent également parmi les conclusions citées par la Fédération des cégeps à l’aide d’une recherche sur la réussite de Carole Lavoie.

En somme, on sait actuellement qu’il est possible de repérer avec relativement de précision les jeunes qui risquent de jeter l’éponge en cours de route.

On sait aussi qu’il faut améliorer les pratiques qui vont permettre de les aider et la Fédération des cégeps offrira bientôt des propositions en ce sens.

Et on sait par-dessus tout qu’on ne peut pas se permettre d’attendre la fin de la pandémie pour agir.

Forcément, la crise sanitaire fait que les interventions seront plus difficiles, mais elle les rend aussi plus urgentes.

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