Ça y est, après des mois de demandes, voire de récriminations des provinces, Ottawa a fini par resserrer les règles pour les voyageurs qui rentrent au pays en ces temps de pandémie. Enfin.

Il est évident que le gouvernement Trudeau a un objectif principal en tête : dissuader les Canadiens qui voudraient profiter de la semaine de relâche, qui aura bel et bien lieu au Québec, pour se faire bronzer sur une plage des Caraïbes ou du Mexique.

PHOTO FRANÇOIS ROY, ARCHIVES LA PRESSE

Il est évident que le gouvernement Trudeau a un objectif principal en tête : dissuader les Canadiens qui voudraient profiter de la semaine de relâche, qui aura bel et bien lieu au Québec, pour se faire bronzer sur une plage des Caraïbes ou du Mexique, indique notre éditorialiste.

Pour eux, le gouvernement a sorti l’artillerie lourde. Quatre transporteurs canadiens et deux entreprises d’aviation mexicaines ont annulé leurs vols vers ces destinations. Ceux qui décideront quand même de voyager – là ou ailleurs – devront présenter un test négatif avant d’embarquer dans l’avion du retour, auront à se faire tester de nouveau à l’arrivée puis à passer trois jours à l’hôtel à leurs frais avant de finir leur quarantaine à la maison. C’est pas mal mur à mur.

D’autant que le coût de l’hébergement annoncé est prohibitif pour la grande majorité des consommateurs. Il est estimé à près de 2000 $ par personne. Ouch. Ça comprend la nourriture, les mesures de sécurité, les mesures sanitaires et le test à l’arrivée.

Une famille de quatre qui veut aller à Cuba dans un tout-inclus risque bien d’y penser trois fois avant de cliquer sur le bouton « acheter ».

On doit noter cependant que ces restrictions additionnelles risquent de freiner surtout la classe moyenne et auront beaucoup moins d’impact sur les plus fortunés. Ces derniers auront le loisir de s’envoler vers d’autres destinations vacances et auront plus de facilités à éponger les frais d’hébergement. Il y a là une réelle iniquité. Cependant, tous feront face à la même quarantaine au retour.

Toc, toc

D’ailleurs, un autre aspect des mesures annoncées, qui a moins fait les manchettes, est aussi plutôt rassurant. Des entreprises de sécurité veillent dorénavant à ce que les voyageurs respectent la quarantaine. En plus du suivi par téléphone. Depuis quelques jours, à Montréal et à Toronto, des agents frappent aux portes de ceux qui sont sous le coup de la mesure et peuvent appeler les policiers en renfort au besoin. Les peines peuvent être lourdes pour les tricheurs, qui, dans le pire des cas, sont passibles de six mois d’emprisonnement. Au cours des prochaines semaines, des agents veilleront au grain dans 35 villes du pays.

Le diable dans les détails

Si les mesures sont bienvenues et ont eu l’avantage de faire baisser le ton entre les gouvernements Trudeau et Legault, elles ne sont pas encore toutes clairement définies, et ce, même si Ottawa a pris plus d’un mois pour y réfléchir.

Le gouvernement, qui vise surtout les voyages non essentiels, est en train d’établir la liste des exemptions aux mesures. Il est question de donner un passe-droit à ceux qui voyagent notamment pour des raisons médicales ou humanitaires. C’est compréhensible. On ne voudrait pas que la facture d’hôtel de 2000 $ empêche un citoyen ou résident canadien de visiter un proche très malade ou mourant à l’étranger. Ça ajouterait à la cruauté de la pandémie, qui a déjà rendu bien difficile la vie de nos concitoyens qui travaillent ou ont des proches au-delà de nos frontières. Et on parle ici de millions de personnes.

On ignore cependant à ce point si les personnes exemptées pourront seulement éviter les trois jours d’hôtel et les coûts s’y rattachant ou si elles auront carrément le droit de se passer de la quarantaine, une éventualité beaucoup plus inquiétante.

En ce moment, fait peu connu du grand public, il existe déjà des mesures d’exemption qui s’appliquent aux travailleurs qui fournissent des services essentiels, aux personnes qui doivent recevoir des soins médicaux dans les 36 heures suivant leur arrivée, à ceux qui traversent régulièrement la frontière pour travailler et aux résidants de communautés transfrontalières. Après leur retour de voyage, avec l’approbation d’un agent des services frontaliers, ils peuvent vaquer à leurs occupations normalement et sont requis de s’isoler seulement s’ils ont des symptômes.

Avec l’apparition des nouveaux variants inquiétants détectés en Grande-Bretagne, en Afrique du Sud et au Brésil, ces passe-droits sont à revoir, et vite. En guise d’exemple, un travailleur essentiel qui recevrait une exemption après une semaine de voyage en Europe pourrait devenir une véritable menace dans son milieu de travail, et ce, même s’il a obtenu un test négatif avant de prendre l’avion.

Pour le moment, il est difficile d’obtenir des réponses claires entourant ces exemptions aux nouvelles règles. Les différents ministères impliqués – Santé, Transport et Sécurité publique – se renvoient tous la balle. On espère qu’ils colmateront vite les brèches dans ces règles.

Les chiffres de contamination à la COVID-19 s’améliorent tous les jours d’un océan à l’autre ; ce n’est pas le temps de l’échapper.

Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion