La liberté universitaire, c’est un peu comme la « tarte aux pommes ».

C’est ce qu’a affirmé Alexandre Cloutier mardi, en présentant le rapport de la Commission scientifique et technique indépendante sur la reconnaissance de la liberté académique dans le milieu universitaire.

Personne n’est contre, toutes les universités au Québec disent prendre la question très au sérieux… mais elles n’ont pas été en mesure de la protéger assez efficacement.

Il a raison.

On l’a constaté au gré des scandales rapportés dans les médias au cours des dernières années.

Et le rapport de la commission qu’il présidait le confirme.

Un rapport sérieux qui, disons-le, s’avère une contribution essentielle à ce débat explosif.

On y énumère les principales dérives (mots qu’on n’ose plus prononcer, livres qui ont été retirés, conférenciers désinvités, professeurs contestés « parce qu’ils n’arboraient pas la bonne identité pour traiter de certains sujets ») et on évoque divers témoignages de victimes.

D’après les commentaires recueillis, la crainte de représailles des membres du corps professoral se traduit de plusieurs manières : des ouvrages sont exclus des corpus, des citations sont tronquées et des théories cessent d’être enseignées.

Extrait du rapport de la Commission scientifique et technique indépendante sur la reconnaissance de la liberté académique dans le milieu universitaire

On y signale aussi que « plusieurs personnes ont même mentionné se sentir obligées d’éviter certains textes ou courants littéraires qu’elles auraient pourtant voulu aborder en classe, en partie parce qu’elles ne se sentent pas adéquatement protégées par leur établissement ».

On touche ici au cœur du problème.

Personne n’est contre la liberté universitaire, sauf que…

La façon dont on la protège est à géométrie variable au Québec.

Si tous les professeurs sentaient qu’ils pouvaient compter sur l’appui des dirigeants de leurs universités respectives dans le cadre de cette guérilla nouveau genre menée dans les salles de classe, ils seraient beaucoup moins enclins à céder à l’intimidation et aux menaces.

La timidité de certains dirigeants est dramatique tant pour les professeurs, dont la manière d’enseigner et de faire de la recherche est compromise, que pour les étudiants, qui auraient droit à un environnement universitaire où « toutes les idées et tous les sujets sans exception peuvent être débattus de manière rationnelle et argumentée ».

On a déjà plaidé dans ces pages que la responsabilité de trouver des solutions revenait aux universités elles-mêmes.

Mais visiblement, toutes ne l’ont pas compris.

Et c’est inadmissible.

Si le statu quo devait persister du côté des universités, la commission fait ici aussi œuvre utile. Elle donne au gouvernement du Québec une marche à suivre pour agir.

À ce sujet, bien sûr, elle marche sur des œufs ; les recteurs avaient déjà dit craindre, sitôt la commission annoncée, qu’on ne touche à leur sacro-sainte autonomie.

On comprend ces craintes, mais on note que la commission est d’une grande prudence à ce sujet, insistant sur le fait que son travail vise à soutenir la mission de l’université et non à saper les fondements de son autonomie.

Le rapport recommande essentiellement au gouvernement d’adopter une loi pour définir ce qu’est la liberté universitaire et ses bénéficiaires, mais aussi et surtout pour forcer chaque établissement à se doter d’une politique et d’un comité sur la question (entre autres pour assurer le suivi des litiges).

La Fédération québécoise des professeures et professeurs d’université se félicite d’une telle recommandation. C’est rassurant.

À noter : elle avait déjà, en février 2020, suggéré à Québec de légiférer sur la question de la liberté universitaire. Avant même, donc, que l’affaire Lieutenant-Duval à Ottawa ne nous persuade de l’urgence de prendre le problème au sérieux.

À l’opposé du spectre, les recteurs des universités ne veulent rien savoir d’une telle loi. Ils n’ont pourtant pas tous protégé la liberté universitaire avec le même zèle, hélas.

Chers recteurs, il existe une façon très simple de convaincre le gouvernement de l’inutilité de légiférer : faites vos devoirs !

Il est minuit moins une.

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