« Si la vie vous intéresse. » Vous vous souvenez de ce slogan, utilisé jadis pour convaincre les Canadiens de s’enrôler ? 

Il semble bien, désormais, que cette vie-là n’intéresse plus grand monde. Et c’est un problème auquel il est urgent de trouver une solution.

Les Forces armées canadiennes ont dit vouloir embaucher 6769 nouveaux membres cette année, mais admettent qu’il ne sera « pas possible d’atteindre l’objectif », a révélé récemment notre journaliste Mylène Crête.

Leur bilan n’est guère plus reluisant pour ce qui est de la rétention du personnel. Plus de 2700 militaires ont quitté les Forces armées canadiennes depuis le début de la pandémie.

Est-il besoin d’ajouter que l’objectif de voir les femmes occuper 25 % des postes d’ici cinq ans ne sera pas atteint non plus ?

Le problème de culture à la source des nombreux cas d’inconduite sexuelle a été maintes fois reconnu et déploré, mais jamais réglé. Cette négligence a de quoi décourager même les plus motivées des recrues potentielles.

Des hommes sont aussi, certainement, démobilisés par cette crise, déjà qualifiée de « menace existentielle ».

Mais cela ne suffit pas à expliquer l’ensemble des problèmes de recrutement. La COVID-19 a joué un grand rôle. La pénurie de travailleurs – qui se manifeste dans de nombreux secteurs de l’économie aussi.

Mais ce n’est pas tout, car les difficultés sur le plan du recrutement ne datent pas d’hier.

Le vérificateur général du Canada y avait consacré un audit en 2016, puis, deux ans plus tard, s’était penché spécifiquement sur la pénurie de pilotes, évoquant le « déclin de notre capacité de combat ».

Ce cas particulier nous permet d’envisager une autre cause aux problèmes de recrutement et de rétention.

On valorise trop peu les Forces armées canadiennes à Ottawa.

Depuis trop longtemps.

À preuve : l’équipement avec lequel nous forçons nos militaires à s’entraîner et à combattre est, dans certains cas, d’une désuétude embarrassante.

L’un des exemples les plus atroces est, justement, celui des avions de chasse.

Les gouvernements fédéraux ont tant tergiversé qu’on a dû acheter des avions d’occasion en Australie au lieu de remplacer nos CF-18 par de nouveaux chasseurs !

C’est gênant.

Le Canada se classait en 2020 au 20e rang (sur 29) parmi les pays de l’OTAN quant à la part de ses dépenses militaires exprimée en pourcentage de son produit intérieur brut (avec 1,42 %).

Le gouvernement voudrait que les Forces armées figurent parmi les priorités des jeunes Canadiens, mais il a du mal à nous prouver que c’est, pour lui, une priorité.

Un vrai cas de : faites ce que je dis, mais pas ce que je fais.

« Nous devons en faire plus pour améliorer nos méthodes de recrutement, de sélection et de maintien en poste des militaires », avait déclaré l’ancien ministre de la Défense Harjit Sajjan il y a cinq ans, en réponse au vérificateur général.

Mais la seule chose qui ait changé, depuis, c’est que… le ministre Sajjan n’est plus en poste.

À vrai dire, une autre chose a changé : les menaces auxquelles nous faisons face se sont diversifiées.

Même notre plus grand allié est devenu imprévisible. Jusqu’à quel point pourrons-nous toujours compter sur les États-Unis lorsqu’il s’agira d’assurer notre défense ?

Ce n’est pas une question rhétorique creuse. Ça devrait figurer parmi les préoccupations de nos stratèges.

Le Canada a besoin d’une armée en mesure de protéger son territoire et de remplir ses engagements internationaux, notamment à l’égard de l’OTAN.

Une armée à la hauteur de nos ambitions internationales.

Il y a des limites à vivre aux crochets des forces militaires de nos alliés. Et on aurait tort de les tenir pour acquis.

La nouvelle ministre de la Défense, Anita Anand, a la réputation d’être dynamique et efficace. Elle s’est illustrée, comme ministre des Services publics et de l’Approvisionnement, dans le dossier crucial de l’achat de vaccins pour la population canadienne.

Elle a déjà commencé à travailler pour redorer le blason de l’armée et, à son bureau, on nous dit qu’elle prend les problèmes de recrutement au sérieux. Et qu’elle pense que le changement de culture souhaité fait partie de la solution.

Parallèlement, du côté des Forces armées canadiennes, on nous dit qu’une stratégie de rétention du personnel sera rendue publique au début de l’année prochaine.

Gardons-nous de faire preuve de trop d’optimisme, mais on semble apercevoir un peu de lumière au bout du tunnel.

Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion