C’est une décision importante et courageuse qu’a prise la nouvelle mairesse de Longueuil, Catherine Fournier, d’euthanasier une soixantaine de cerfs du parc Michel-Chartrand.

Une décision qui dépasse le sort de ces animaux et celui du parc de la Rive-Sud.

Parce qu’en promettant de garder le cap et de mettre en pratique ce que recommandent les biologistes et les éthiciens, Mme Fournier vient dire que le rationnel doit l’emporter sur l’irrationnel. Qu’on ne peut pas laisser gagner ceux qui tentent de pirater les débats publics à coups de menaces.

S’ériger ainsi en rempart contre l’extrémisme est crucial. La peur des réactions violentes d’une minorité ne peut dicter l’ordre du jour des élus.

Il faut donc parler de courage parce que, dans ce dossier, le mouvement d’opposition est à la fois terriblement naïf et outrageusement brutal. Comme si l’univers de Walt Disney se mêlait à celui d’un film de mafieux.

Certains amis des animaux perdent toute rationalité devant la beauté des faons et des biches – un phénomène documenté et justement baptisé « syndrome de Bambi ». On oublie qu’une surpopulation extrême comme celle qui sévit à Longueuil n’est absolument pas viable pour les écosystèmes. Les végétaux sont ravagés. Les parasites, dont la tique qui cause la maladie de Lyme, trouvent les conditions idéales pour proliférer. Les cerfs eux-mêmes sont en compétition pour la nourriture.

Les solutions ? Les biologistes les ont toutes étudiées. Et celle qui s’impose, n’en déplaise à MAnne-France Goldwater, est d’éliminer les cerfs. Les déplacer causerait trop de stress aux animaux. Plusieurs d’entre eux finiraient par mourir – et, cette fois, au bout d’un processus souffrant et inacceptable. L’idée a été rejetée par le comité d’éthique de l’Université de Montréal.

Nier ces conclusions relève d’une tendance malheureusement trop répandue aujourd’hui, et que la COVID-19 a fait exploser : celle de faire davantage confiance à ses propres impressions et à ses idées préconçues qu’aux analyses, aux données probantes et à l’expertise.

Beaucoup ont d’ailleurs déjà relevé toute l’absurdité et l’incohérence de s’acharner à sauver ces 60 animaux en particulier alors qu’on a abattu 48 424 cerfs lors de la saison de la chasse en 2020 et que des animaux se font zigouiller dans les abattoirs du Québec à coups de milliers chaque jour.

L’affaire vire au cauchemar quand la poursuite de ces idées fantasques se transforme en combat. On se souvient que l’ancienne mairesse de Longueuil Sylvie Parent a renoncé à éliminer les cerfs du parc Michel-Chartrand après avoir subi des menaces de mort.

Celle qui lui succède n’est pas épargnée. Catherine Fournier a déjà fait suivre à la police une menace « sérieuse ». Ce n’est malheureusement pas surprenant dans le climat de polarisation qui règne actuellement. Menacer une mairesse qui cherche à régler un problème de surpopulation de cerfs, c’est comme lancer du gravier à Justin Trudeau pour protester contre les mesures sanitaires. Ou aller manifester devant le domicile d’Horacio Arruda. Ça franchit allègrement la ligne de la critique acceptable et ça doit nous préoccuper.

Dans le cas des cerfs, Catherine Fournier a d’autant plus de légitimité pour agir qu’elle avait annoncé pendant la campagne électorale son intention de suivre les recommandations de la table de concertation créée pour trouver des solutions. Et qu’elle a remporté la mairie avec 61 % des votes.

Mme Fournier attend maintenant – sagement – que le comité d’éthique de l’Université de Montréal approuve le protocole proposé. Espérons qu’on pourra ensuite prendre une grande respiration et passer enfin à un autre appel.

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