Les experts nous avaient prévenus : les problèmes des pays largement non vaccinés finiront par devenir nos problèmes. Il est illusoire de combattre une pandémie mondiale en construisant des bulles de protection ici et là.

Le variant Omicron, et sa protéine en pic truffée de mutations, sera-t-il celui qui fera éclater ces bulles ? Il est trop tôt pour le dire. Il faudra sans doute quelques semaines aux scientifiques pour bien comprendre si le variant Omicron peut contourner la vaccination, et s’il est plus contagieux ou plus virulent que le variant Delta actuellement dominant.

Mais les craintes qu’il cause rappellent l’ampleur du risque que court la planète alors que 46 % de sa population n’a encore reçu aucune dose de vaccin contre la COVID-19 (la proportion dépasse 94 % dans les pays considérés comme à « faible revenu » par la Banque mondiale).

On ignore d’où vient le variant Omicron (ce n’est peut-être même pas d’Afrique). Mais près de deux ans après le début de la pandémie, avoir de larges pans de la population mondiale encore non vaccinés est autant un échec éthique qu’une épée de Damoclès au-dessus de nos têtes.

Chaque être humain non vacciné court un risque accru d’être infecté. Et chaque personne infectée se transforme en usine à répliquer le virus de la COVID-19. Au fil des erreurs qui surviennent au hasard de ces multiplications, de nouvelles formes du virus émergent.

L’immense disparité vaccinale qui subsiste encore nous fait ainsi réaliser l’erreur qu’on a commise en laissant les entreprises comme Pfizer et Moderna s’asseoir sur leurs brevets, sans les obliger à accorder des licences et à transférer leur expertise aux pays qui voulaient fabriquer le vaccin (comme l’Inde et l’Afrique du Sud).

On mesure aussi le tragique échec de COVAX, mécanisme international de distribution de vaccins qui n’a jamais décollé parce que les pays riches comme le Canada l’ont court-circuité en signant des ententes commerciales directement avec les fabricants de vaccins. Et parce que les pays comme la Chine ont attaché des drapeaux aux fioles qu’ils ont envoyées dans les pays en développement, transformant l’aide en jeu diplomatique.

Tout cela, évidemment, est connu depuis longtemps. Mais ça pourrait nous retomber sur le nez avec le variant Omicron. Ou ce sera le cas avec le prochain variant qui déjouera nos vaccins.

La question de la vaccination des pays en voie de développement est complexe et dépasse l’enjeu des capacités de production. Selon les données des entreprises pharmaceutiques, 9,3 milliards de doses avaient été fabriquées à la mi-octobre et on prévoit franchir le cap des 12 milliards d’ici la fin de l’année. À la mi-2022, on promet d’en avoir fabriqué 24 milliards.

Mais le défi d’amener ces doses vers les bras qui en ont besoin demeure immense. L’une des causes est qu’il est beaucoup plus simple (et payant) pour les Pfizer de ce monde de vendre des doses de rappel aux pays développés que des premières doses aux habitants des pays à faible revenu.

Au Canada, par exemple, 10,7 millions de doses attendent actuellement dans des congélateurs. Médecins sans frontières souligne que c’est plus que ce que le pays a donné par l’entremise de COVAX (8,3 millions de doses) et de façon bilatérale (762 000 doses) depuis le début de la pandémie.

Il y a aussi toutes les questions logistiques, dont le maintien des chaînes de froid. Et le fait qu’en Afrique subsaharienne, notamment, la COVID-19 ne sème pas le même émoi que chez nous. Dans ces régions où l’on meurt de la malaria, de la diarrhée, du VIH, de la tuberculose, la COVID-19 n’est qu’une maladie de plus – et d’autant moins dramatique que la population est plus jeune et y résiste mieux. La mobilisation est difficile.

La vaccination des régions pauvres du globe est donc un défi complexe, mais qui est très loin de recevoir l’attention nécessaire. Le variant Omicron vient nous rappeler que l’heure est venue d’aider sérieusement ces pays à vacciner leur population. Pour eux. Et pour nous.

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