Denis Coderre a fait preuve de beaucoup de transparence depuis le début de la campagne, n’hésitant pas à parler de ses problèmes personnels et de sa traversée du désert. Il semble que ce souci de transparence s’arrête toutefois à la porte de son bureau.

Or, à quelques jours du vote, les questions concernant ses anciens liens d’affaires reviennent le hanter.

Parmi les contrats que M. Coderre ne souhaitait pas dévoiler avant l’élection, nos collègues Hugo Joncas et Philippe Teisceira-Lessard révèlent ce mercredi un mandat, terminé en mars dernier, avec Cogir, une société de gestion immobilière qui a des intérêts dans le secteur résidentiel, commercial et industriel. Ce n’est pas un détail dans une campagne où un des enjeux majeurs est la crise du logement. Et qu’on promet la construction de dizaines de milliers d’unités d’habitation.

Ce contrat s’ajoute à deux autres mandats de M. Coderre, abandonnés depuis son entrée dans la course à la mairie, pour la Caisse de dépôt et placement du Québec – maître d’œuvre du REM –, ainsi que pour l’entreprise Stingray, propriété d’Eric Boyko, un des promoteurs du retour du baseball majeur à Montréal. Y en a-t-il d’autres ?

Si oui, il faut les dévoiler maintenant.

À elle seule, cette question des contrats professionnels incarne les forces et les faiblesses de la candidature de Denis Coderre.

Les forces : M. Coderre – qui avait tout à fait le droit de gagner sa vie quand il n’était pas candidat – est un consultant qui entretient des liens privilégiés avec la communauté d’affaires. Il a ses entrées à Québec, à Ottawa et ailleurs dans le monde, ce qui peut être un atout pour quelqu’un qui aspire à diriger une grande ville. Il sait négocier et faire avancer les dossiers, il est sensible aux grands enjeux de la métropole.

Les faiblesses : on ne connaît pas toutes les implications de cette proximité avec le milieu des affaires. Et l’obstination de M. Coderre à garder ses contrats secrets sème un doute sur d’éventuels conflits d’intérêts si jamais il devenait maire.

En entrevue éditoriale mardi, M. Coderre a répondu que s’il était élu, il soumettrait tous ses contrats au conseiller à l’éthique de la Ville de Montréal.

Mais pourquoi attendre le jugement du conseiller à l’éthique pour prendre les décisions qui s’imposent ? Et pourquoi avoir attendu que l’information soit déterrée par des journalistes pour faire face à la musique ?

M. Coderre invoque aussi le secret professionnel, qu’il compare à celui des médecins et des avocats avec leurs patients et leurs clients. On comprend que des consultants signent des clauses de confidentialité, mais il n’y a pas de secret professionnel dans ce domaine. M. Coderre aurait dû, avant même d’annoncer sa candidature, aviser tous ses clients qu’il aurait à dévoiler les détails de ses engagements professionnels en se lançant en politique.

C’est aussi ça, la transparence.

Denis Coderre a des qualités pour diriger une ville. Il connaît à fond les dossiers qui lui tiennent à cœur – la sécurité publique, l’itinérance, le statut de métropole de Montréal… Il a de bonnes idées pour l’est de Montréal. Des convictions profondes pour contrer l’augmentation de la violence dans certains quartiers. Et quand il parle de son amour pour Montréal, on ne doute pas un seul instant de sa sincérité.

On pourrait croire que son obstination à ne pas dévoiler la nature de ses contrats est une preuve que son supposé « changement » n’est que de la poudre aux yeux, un plan marketing bien orchestré. Que l’ancien Denis Coderre têtu et batailleur est encore bien en selle.

La réalité est plus nuancée.

Oui, l’homme a changé. Il est plus posé, plus à l’écoute. Plus souriant aussi.

Mais il fait preuve du même entêtement que lors de la dernière élection municipale, lorsqu’il refusait catégoriquement de dévoiler le nombre de billets donnés pour l’évènement de la Formule E. Il avait pourtant déclaré l’« avoir échappé » à l’époque. Pourquoi rejouer dans ce film aujourd’hui ?

Le bagage que Denis Coderre transporte avec lui depuis le début de cette campagne comporte donc deux compartiments : celui de l’expérience, acquise après de nombreuses années en politique. Et celui de ses liens d’affaires qu’il doit absolument clarifier avant le jour du vote. Les Montréalais qui iront voter le week-end prochain sont en droit de le faire en toute connaissance de cause.

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