Pour quelqu’un qui brûlait d’envie de « rebâtir le Canada en mieux » à l’issue d’un scrutin controversé, Justin Trudeau ne semble pas pressé de relancer les travaux du Parlement canadien.

On a appris récemment qu’on verra la couleur de son prochain conseil des ministres le 26 octobre seulement, soit cinq semaines après le scrutin du 20 septembre.

Ce n’est pas tout…

On a aussi appris qu’il faudra attendre quatre semaines de plus avant le début de la session parlementaire et le retour des députés à la Chambre des communes.

La rentrée est prévue pour le 22 novembre.

Les partis de l’opposition estiment que ces délais sont déraisonnables. Ils ont raison.

Bien sûr, on ne pouvait pas s’attendre à ce que tout se règle en l’espace de quelques jours, même si une majorité de députés ne sont pas de nouveaux venus.

Il y a eu respectivement, en 2019 et en 2015, 44 et 45 jours entre les élections et la rentrée parlementaire.

Mais cette année, on parle de 63 jours.

Un délai supplémentaire qui laisse un goût d’autant plus amer que les élections n’étaient pas nécessaires. Et qui aura aussi pour effet de limiter encore un peu plus le nombre total de jours où les députés auront pu siéger à Ottawa cette année.

Selon des données publiées par le Globe and Mail lundi, on en prévoit uniquement 96 en 2021.

Les années précédentes, ce fut encore pire.

Les députés n’ont siégé que 86 jours en 2020 (année où la pandémie a frappé le pays de plein fouet) et 75 jours en 2019 (année où des élections fédérales avaient eu lieu en octobre).

Depuis trois ans, on se trouve 30 % en dessous de la moyenne annuelle qui, depuis 1975, est de 123 jours par année. Suivons bien ce qui va se passer l’an prochain : il est plus que temps de revenir à la normale.

Il est vrai que tout n’est pas paralysé depuis le scrutin fédéral.

Justin Trudeau a rencontré lundi à Kamloops la cheffe Rosanne Casimir et des survivants du pensionnat de cette ville de la Colombie-Britannique (en tentant du même coup de se faire pardonner pour ses vacances prises lors de la première Journée nationale de la vérité et de la réconciliation).

On renouvellera par ailleurs sous peu certains programmes d’aide du gouvernement fédéral qui arrivent à échéance.

Mais ce développement soulève d’autres griefs, légitimes, de la part de l’opposition.

« Ça va être fait en vase clos ! » a déploré le leader parlementaire du Bloc québécois, Alain Therrien, précisant lors d’une entrevue téléphonique que son parti aurait de nombreuses suggestions pour le gouvernement libéral.

« Mais on ne peut même pas siéger, on ne peut même pas poser de questions », a ajouté l’élu.

N’oublions pas non plus qu’un grand nombre de dossiers n’avanceront tout simplement pas d’ici la rentrée parlementaire.

Y compris des projets de loi chers aux libéraux, mais qui n’ont pu être adoptés avant la dissolution du Parlement.

Celui qui vise notamment à forcer les géants du numérique à mettre le contenu de nos artistes en valeur sur leurs plateformes, par exemple.

Ou celui par lequel on souhaite interdire les thérapies de conversion qui ont pour objectif de changer l’orientation sexuelle.

La question des transferts en santé aux provinces et aux territoires, brûlante d’actualité, reste aussi sur la glace. Tout comme le projet de réforme de la Loi sur les langues officielles.

Au fil des ans, on a pu constater que le gouvernement Trudeau aime l’idée de gouverner, mais un peu moins le concept de reddition de comptes et les mécanismes qui, à Ottawa, la permettent.

Il n’est pas très différent, en ce sens, de ceux qui l’ont précédé.

C’est pourquoi il est important de rappeler que le travail des députés de la Chambre des communes donne une légitimité démocratique aux décisions prises à Ottawa, qui ne doivent pas être prises par le cercle fermé du bureau du premier ministre.

Et qu’il est tout particulièrement utile en situation de gouvernement minoritaire.

En cette période où les institutions démocratiques partout sur la planète sont malmenées, on aurait tort de négliger ces vérités.

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