Quand un avion s’écrase dans un parc de Montréal, on lance une enquête pour comprendre ce qui s’est passé, n’écartant aucune hypothèse.

Quand une femme atikamekw meurt dans un hôpital de Joliette, on dissèque les causes profondes du drame et on propose des recommandations.

Ces démarches sont nécessaires. Elles répondent à un besoin naturel de comprendre. Et en documentant les tragédies, on minimise les chances qu’elles se répètent. Ça s’appelle évoluer.

Alors quand un nouveau virus tue 5 millions de personnes, rend des centaines de millions d’autres malades, paralyse des pans entiers de l’économie mondiale, retarde des traitements médicaux, provoque des vagues de décrochage et de détresse psychologique et bouleverse la vie d’à peu près chacun des 7,9 milliards d’êtres humains de la terre, le moins qu’on puisse dire est qu’il faut des réponses.

Or, près de deux ans après le premier signalement de la COVID-19, d’importants doutes subsistent encore quant à l’origine du virus.

D’abord jugée farfelue, l’hypothèse que le virus se soit échappé d’un laboratoire chinois gagne en crédibilité. Assez, en tout cas, pour obtenir des éclaircissements.

Le problème est que la Chine ne le permet pas. Elle bloque les accès et camoufle l’information. Que faire ?

Guy Saint-Jacques, ancien ambassadeur du Canada en Chine, estime qu’on a une poignée pour intervenir : les Jeux olympiques d’hiver de 2022 de Pékin. Selon lui, un groupe suffisamment puissant de pays devrait envoyer un message à la Chine : ou bien vous collaborez aux enquêtes sur l’origine de la pandémie, ou bien on tient les Jeux ailleurs.

Cela s’ajouterait aux nombreux autres motifs – dont la terrible répression contre les Ouïghours – de boycotter ou de déplacer ces Jeux. L’idée divise. Logistiquement, c’est compliqué. Il est minuit moins une. Et les impacts sont incertains. Dans tous les cas, disons que les raisons d’exiger des comptes à la Chine s’accumulent. Et qu’il faudra bien trouver une façon de déterminer les causes d’une crise qui a mis la planète à l’envers.

Les scientifiques estiment que le virus SARS-CoV-2, qui cause la COVID-19, provient d’une chauve-souris. L’explication officielle est qu’il aurait été transmis à l’humain par l’intermédiaire d’un hôte dans un marché de Wuhan, en Chine.

Mais une autre possibilité existe. Celle que le virus se soit plutôt échappé de l’Institut de virologie de Wuhan – justement l’épicentre mondial de la recherche sur les coronavirus des chauves-souris.

Précisons qu’à peu près personne n’évoque un relâchement délibéré. On parle d’employés infectés par mégarde qui auraient ensuite propagé le virus. Depuis quelques mois, de nouvelles découvertes redonnent de la crédibilité à cette thèse.

La journaliste canadienne Elaine Dewar a publié un livre à ce sujet (On the Origin of the Deadliest Pandemic in 100 Years). En juin, nos collègues Marc Thibodeau et Alice Girard-Bossé ont aussi fait le point. L’émission Découverte de Radio-Canada vient de diffuser un reportage étoffé sur le même sujet.

Lisez le reportage de nos collègues Regardez le reportage de Découverte

Résumons.

On sait que l’Institut de virologie de Wuhan abrite une gigantesque collection de coronavirus, dont au moins neuf génétiquement très proches du SARS-CoV-2.

On sait aussi qu’il se pratique dans ce laboratoire un type de recherche très controversé appelé « gain de fonction ». L’objectif : modifier génétiquement les virus pour les rendre plus transmissibles ou plus virulents. L’idée est de les utiliser pour accélérer la recherche sur les vaccins et les médicaments.

On sait aussi que le virus présente une caractéristique appelée « clivage de furine » qui, selon certains scientifiques, pourrait trahir une manipulation humaine (même si cela est contesté).

On sait aussi que les fuites de laboratoire sont fréquentes. Et que les mesures de sécurité n’étaient pas toujours idéales au labo de Wuhan.

À cela s’ajoutent des bases de données rendues inaccessibles et des rumeurs d’employés tombés malades dès novembre 2019.

Tout cela ne prouve absolument rien. Mais c’est assez pour soulever un doute – d’autant que le fameux animal qui aurait servi de lien entre la chauve-souris et l’homme n’a jamais été dévoilé.

Or, l’enquête menée en Chine par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) pour y voir clair a été une farce de l’avis de tous (y compris le directeur de l’OMS lui-même !). La Chine avait un droit de veto sur le choix des enquêteurs, a réduit le mandat de l’enquête et a limité les accès.

D’où la nécessité d’augmenter la pression pour aller enfin au fond des choses. Les États-Unis en mettront-ils suffisamment ? On sait qu’ils ont financé plusieurs des travaux sur le gain de fonction effectués à Wuhan. Mais de nombreuses personnes veulent aussi des réponses à Washington. Et cette responsabilité partagée, si elle s’avère, pourrait aider Pékin à ne pas perdre complètement la face.

Dans tous les cas, Guy Saint-Jacques estime qu’il faut promettre à la Chine de ne pas réclamer de compensations économiques pour les dommages entraînés par la COVID-19. C’est la seule façon d’avoir des réponses. Des réponses qu’on doit aux (trop nombreuses) victimes de la COVID-19.

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