Vous trouvez que François Legault joue au cowboy en imposant la vaccination obligatoire aux travailleurs de la santé alors qu’une grave pénurie de main-d’œuvre frappe le réseau ?

Il est vrai que le gouvernement provincial fait face à une situation très délicate. Mais son intervention est parfaitement justifiée. Il ne doit surtout pas reculer à l’approche de la date butoir du 15 octobre, comme l’ont réclamé mercredi le Parti québécois et les syndicats.

Oui, la perspective de voir des employés quitter le navire fait peur.

Mais une fois qu’on a décidé qu’il est intolérable que des soignants fassent courir le risque d’infecter des patients, on doit tenir son bout. Dans ce bras de fer, ce sont les employés récalcitrants qui doivent céder. Pas le gouvernement.

À Ottawa, pendant ce temps, Justin Trudeau va beaucoup, beaucoup plus loin que François Legault. Mercredi, il a annoncé la vaccination obligatoire pour tous les employés de la fonction publique. Pas seulement ceux qui travaillent auprès d’une clientèle vulnérable, comme au provincial. Ni même ceux qui interagissent avec le public. Ce sont tous les employés, incluant ceux qui travaillent dans des bureaux ou de la maison, qui sont visés.

Ceux qui refusent de relever la manche ? Ils seront suspendus sans solde.

Évidemment, M. Trudeau n’emploie pas d’infirmières. Les conséquences paraissent donc moins graves. Mais la nécessité d’étendre la vaccination obligatoire à autant d’employés est aussi beaucoup plus difficile à justifier.

C’est d’autant plus vrai que les impacts de la mesure fédérale risquent de se faire sentir bien au-delà de la fonction publique. Celle-ci s’appliquera aussi à toutes les entreprises de compétence fédérale. Sans compter les nombreuses entreprises qui rêvent d’imposer le passeport vaccinal à leurs employés, mais se retiennent par crainte de poursuites judiciaires. Il y a fort à parier que beaucoup d’entre elles se précipiteront dans la brèche ouverte par le fédéral.

C’est donc un vaste mouvement vers la vaccination obligatoire au travail que Justin Trudeau vient de lancer (ou, à tout le moins, d’accélérer grandement).

Faut-il s’en réjouir ?

D’un côté, le fédéral a le mérite d’envoyer un signal très clair. Un signal attendu, qu’il avait promis en campagne électorale. Mais on peut quand même s’interroger sur la nécessité d’adopter une approche aussi forte à ce moment-ci.

Il ne se trouvera évidemment pas grand monde pour s’émouvoir de la minorité qui résiste encore à la vaccination. Ces gens, qui invoquent un choix personnel, engendrent de lourdes conséquences collectives. Ils permettent au virus de continuer à se propager. Et quand ils tombent malades, ils monopolisent de précieuses ressources et prennent souvent le lit d’un autre malade.

Mais nous l’avons déjà écrit : obliger les gens à recevoir une aiguille dans le bras sous peine de perdre leur chèque de paie devrait être la mesure de dernier recours dans une stratégie de vaccination. Avant de priver ces gens du droit de gagner leur vie, on a le devoir d’aller au bout des autres options.

Plusieurs provinces ont instauré un passeport vaccinal pour fréquenter les bars, les restaurants et les cinémas il y a moins d’un mois. Il reste sans doute encore des bénéfices à en tirer sur les taux de vaccination.

Le gouvernement Trudeau en a rajouté une couche, mercredi, en obligeant la vaccination pour prendre le train et l’avion. Voilà une excellente façon d’augmenter la sécurité des voyageurs tout en mettant de la pression sur les non-vaccinés.

Un compromis possible pour certains employés fédéraux non vaccinés serait de les contraindre à se faire tester plusieurs fois par semaine. Encore ici, on favorise la sécurité tout en incitant à la vaccination.

Il était par ailleurs curieux d’entendre mercredi Justin Trudeau se vanter d’adopter des mesures « parmi les plus dures au monde »… tout en se félicitant d’avoir l’un des meilleurs taux de vaccination de la planète.

L’objectif de Justin Trudeau est évidemment le bon. Mais on peut se demander si une gradation de moyens aurait permis de l’atteindre avec autant d’efficacité… tout en préservant un meilleur équilibre entre droits collectifs et droits individuels. Même si nous commençons tous à manquer de patience avec ceux qui refusent encore d’apporter leur contribution.

Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion