Tony Blair. Le roi de la Jordanie. Le premier ministre tchèque. La chanteuse Shakira. Au Québec, l’ex-pilote de F1 Jacques Villeneuve.

Les secrets dans les paradis fiscaux de centaines de chefs d’État, politiciens et vedettes viennent d’être dévoilés par l’enquête des Pandora Papers, une fuite de 12 millions de documents confidentiels.

« Je n’ai rien fait d’illégal ou de mal », a rétorqué le premier ministre tchèque.

Bien malgré lui, il vient de mettre le doigt sur le bobo : la plupart de ces combines dans les paradis fiscaux sont légales.

* * *

Il y aura toujours des paradis fiscaux, ces pays prêts à tout pour attirer les investissements de contribuables fortunés.

Le vrai problème, c’est que nos gouvernements s’en accommodent.

Pourquoi ? Parce que c’est compliqué. Que nos gouvernements ont peur de se faire hara-kiri en y allant seuls, sans concertation internationale. Qu’ils manquent de courage et de volonté politiques.

Cela dit, ce n’est pas vrai que rien ne change dans la lutte contre les paradis fiscaux.

L’été dernier, les pays du G20 se sont entendus sur une grande révolution en matière de fiscalité internationale : un impôt minimal (15 %) sur les profits mondiaux des multinationales, qui seront imposées davantage dans les pays où leurs biens sont consommés. À partir de 2023, il sera beaucoup moins avantageux pour ces multinationales de recourir aux paradis fiscaux.

Cet impôt minimal, colonne vertébrale d’une réforme plus large de la fiscalité (le projet BEPS), constitue un pas de géant. Mais il ne concerne que les 2500 multinationales avec un chiffre d’affaires annuel d’au moins 1,1 milliard CAN.

Il reste donc encore beaucoup de travail à faire. Particulièrement au Canada, où on est beaucoup trop tolérant – ou carrément niaiseux, c’est selon – à l’égard des paradis fiscaux.

Un exemple ? Le scandale KPMG, où de riches contribuables canadiens ont caché de l’argent dans le paradis fiscal de l’île de Man. En 2015, le fisc fédéral a tout bonnement laissé la plupart de ces contribuables faire une divulgation volontaire sans pénalité et avec taux d’intérêt réduit. Alors qu’on s’approchait dangereusement de ce qui pourrait constituer une infraction criminelle de fraude fiscale, selon certains experts.

* * *

Si le Canada voulait prendre une approche musclée pour lutter contre les paradis fiscaux, voici ce qu’il ferait :

1. Fin des faveurs aux paradis fiscaux

Un de nos plus gros problèmes : les lois fiscales canadiennes permettent actuellement aux entreprises établies dans les pays ayant une convention fiscale ou un accord d’échange de renseignements fiscaux avec le Canada de rapatrier leurs profits au Canada sans payer d’impôts. C’est acceptable quand l’entreprise paie un taux d’impôt similaire à l’étranger. Or, le Canada a signé des conventions/accords avec une quinzaine de paradis fiscaux, dont la Barbade, qui impose les profits à un taux de 2,5 %. Oui, le système est niaiseux comme ça. Fermons cette échappatoire au plus vite.

2. Un fisc plus agressif

Le fisc canadien a la réputation – méritée dans l’affaire KPMG – d’être trop permissif avec les contribuables à l’éthique élastique, ainsi qu’avec leurs avocats et leurs comptables. Il devrait appliquer plus sévèrement les sanctions prévues par la loi. Les pénalités sur les sommes perçues dans le cadre d’une divulgation volontaire (10 % actuellement) doivent être plus élevées.

3. Les banques étrangères

Depuis 2014, les États-Unis forcent les banques étrangères à dévoiler les comptes de tous leurs clients américains à l’étranger (la loi FATCA). Cet incitatif efficace n’existe pas au Canada.

4. Publier le montant d’impôt payé par chaque contribuable

Ce serait une petite révolution, mais la Finlande fonctionne ainsi depuis des décennies. Ce système a le mérite d’identifier les contribuables à l’éthique élastique et de détecter plus facilement les échappatoires fiscales. Au Canada, on ne sait rien de tout ça à cause du sacro-saint secret fiscal.

Depuis plusieurs années, les scandales fiscaux se suivent et se ressemblent. Il est temps qu’on s’y attaque sérieusement. Et que le Canada agisse comme un leader, au lieu d’être à la remorque des autres pays du G20 et de l’OCDE.

Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion