Vous trouvez que les libéraux dépensent sans compter ? Attachez votre tuque avec de la broche avant d’éplucher la plateforme néo-démocrate.

Pour les cinq prochaines années, le NPD promet de nouvelles dépenses qui totalisent… 215 milliards. C’est presque trois fois plus que celles des libéraux, qui paraissent carrément chiches en comparaison (avec « seulement » 78 milliards).

Le NPD affirme pouvoir compenser une partie de ces énormes dépenses… par d’énormes revenus. C’est 166 milliards sur cinq ans que le NPD veut aller chercher, essentiellement dans les poches des « ultra-riches » et des « grandes entreprises ».

En fait, avec la taille de l’État qui grossit autant, ce n’est rien de moins qu’une révolution que propose la formation politique. Ce mot, le chef Jagmeet Singh l’a approuvé avec un grand sourire lorsque nous lui avons proposé, mardi, lors d’une rencontre éditoriale avec La Presse.

Programme d’assurance médicaments, soins dentaires couverts par le régime public, revenu minimum garanti pour les personnes handicapées, logements pour les Premières Nations, aide généreuse aux étudiants. Elle est belle, la révolution orange, pour qui rêve de justice sociale et d’égalité des chances.

Le problème, c’est que Jagmeet Singh paraît encore davantage comme un chef qui énonce les grands principes de sa révolution que comme quelqu’un qui s’active vraiment à la mettre en branle.

Lorsqu’on creuse et qu’on demande des détails, M. Singh revient souvent vers les grandes idées. Des experts qui ont analysé sa plateforme font le même constat. L’Institut des finances publiques et de la démocratie de l’Université d’Ottawa, par exemple, ne lui accorde pas la note de passage pour la transparence, avec un maigre 2,5 sur 6.

« La portée et l’ampleur de la transformation proposée par le NPD dans sa plateforme requièrent une stratégie d’implémentation sophistiquée pour bâtir la confiance envers ses engagements. Or, une telle stratégie est absente des documents de la plateforme néo-démocrate », écrit le groupe dirigé par l’ancien directeur parlementaire du budget Kevin Page.

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L’immense défi du NPD est évidemment de convaincre qu’il peut aller chercher les revenus nécessaires pour financer sa révolution sociale.

Il serait injuste d’affirmer que son plan flotte complètement dans les nuages. La plateforme explique très bien d’où viendront les 166 milliards sur cinq ans, et les chiffres ont été révisés par le Directeur parlementaire du budget.

Mais ça, c’est sur papier. Dans la vraie vie, il reste des doutes par rapport à la capacité d’aller chercher de telles sommes.

Le nouvel impôt sur la fortune, qui s’élèverait à 1 % pour tous les Canadiens dont les avoirs dépassent 10 millions de dollars, est par exemple du jamais-vu chez nous. Comment l’implanter et quels en seraient les effets ? On aimerait en savoir plus. On sait que les nantis réagissent à la fiscalité et que les gains réels de ce genre de mesures sont souvent moindres que prévu.

Même chose pour la lutte contre l’évasion fiscale. Tout le monde s’entend, le détournement de fonds par les entreprises et les particuliers vers les paradis fiscaux est odieux. Mais pour que ça marche, le Canada doit coordonner ses efforts avec les autres pays. Des démarches sont en cours par l’entremise de l’OCDE, notamment, et il faudra en attendre les résultats. Inscrire des gains substantiels dès l’an prochain apparaît hasardeux.

Je reconnais que notre plan est audacieux. On propose des mesures innovantes, et à cause de ça, il y a un peu d’imprévisibilité.

Jagmeet Singh, chef néo-démocrate, en entrevue avec La Presse

Pour beaucoup, le NPD restera donc ce parti idéaliste qui ne prendra pas le pouvoir la semaine prochaine, mais qui pourrait amener plus de solidarité sociale et pousser à gauche le programme du gouvernement, surtout s’il est minoritaire.

À ce sujet, M. Singh a posé ses conditions. Ce n’est pas une mesure précise qui le poussera à soutenir le parti au pouvoir, mais bien un principe : celui de financer la relance en pigeant dans la poche des riches plutôt que dans celles des travailleurs.

À défaut d’une révolution orange complète, que les sondeurs ne voient pas venir, vous savez désormais à quoi pourrait servir un vote néo-démocrate.

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