Il y a des hausses dont il faut se réjouir et des hausses qui font peur.

La « légère hausse de la population étudiante des cégeps », annoncée récemment par la Fédération des cégeps du Québec, fait partie de la deuxième catégorie.

Ce n’est évidemment pas le fait que le nombre d’élèves ait augmenté qui est préoccupant, mais le fait qu’il ne grimpe pas de façon assez substantielle.

L’une des grandes inconnues depuis le début de cette pandémie, c’est l’ampleur des dégâts à venir quant à la persévérance scolaire et la réussite des étudiants. Les jeunes sont parmi ceux qui ont vécu les plus profonds bouleversements des 18 derniers mois.

Et la « légère hausse » du nombre d’élèves du cégep pourrait être l’équivalent du canari dans la mine. Celui qui annonce que ça ne va pas bien aller si on ne prend pas la chose au sérieux.

Il est trop tôt pour prétendre que la situation est catastrophique, mais il n’est pas trop tard pour agir afin qu’elle ne le devienne pas.

Jetons un coup d’œil aux statistiques pour bien comprendre de quoi on parle.

Dans le cadre d’une rencontre éditoriale à La Presse, le président de la Fédération des cégeps, Bernard Tremblay, nous a expliqué que 174 892 jeunes sont inscrits cet automne dans les 48 cégeps du Québec, au secteur de l’enseignement ordinaire.

Ça représente une hausse de 0,3 % par rapport à l’an dernier.

C’est insuffisant, pour au moins trois raisons.

  • Premièrement, le nombre d’élèves devrait grimper de façon importante chaque année pour la simple et bonne raison que le nombre de jeunes augmente (il devrait y en avoir 36 388 de plus en 2029 au Québec par rapport à 2019). Or, ça ne se reflète pas nettement cette année.
  • Deuxièmement, la hausse globale de 0,3 % est dopée par celle des élèves étrangers. On en prévoit cette année 20 % de plus à travers le réseau. Un bond spectaculaire qui masque encore plus le fait que les élèves québécois ne sont pas assez nombreux.
  • Troisièmement, la Fédération des cégeps s’attendait à une hausse plus importante, aussi, en raison du nombre d’élèves qui ont obtenu une mention « incomplet » récemment. Il y en a eu quelque 6000 à l’automne 2020 et quelque 4100 à l’hiver 2021.

Où sont les élèves qui manquent à l’appel ?

On ne peut que spéculer.

Il semble néanmoins clair que les élèves font face à un double défi qui entrave leur cheminement scolaire.

D’abord, ils ont été frappés de plein fouet par la pandémie.

Par exemple, il est très possible que beaucoup, mis devant la possibilité d’une autre session entièrement virtuelle à l’époque où il fallait s’inscrire, ont jeté l’éponge. La détresse psychologique, en hausse chez nos jeunes, a peut-être aussi joué un rôle. Déjà, avant la pandémie, près du tiers des cégépiens avaient des problèmes d’anxiété.

Ensuite, la pénurie de main-d’œuvre a pu en convaincre beaucoup de s’engager à temps plein, prématurément, sur le marché du travail. Ce n’est pas une bonne nouvelle.

Par contre, les problèmes des cégeps ne sont pas dans l’angle mort de la ministre Danielle McCann. Elle a notamment mené des consultations sur la réussite dans ces établissements d’enseignement au cours des derniers mois. C’était un problème sérieux bien avant la pandémie.

On nous dit que le ministère de l’Enseignement supérieur s’apprête à rendre public un plan d’action sur la réussite scolaire et un autre sur la santé mentale.

Voyons voir si on aura à la fois fait le bon diagnostic, proposé des solutions pertinentes pour les cégeps et accordé les ressources financières nécessaires pour faire bouger les choses.

Disons-le : on risque fort d’en avoir pour des années à réparer les pots cassés par cette pandémie dans le milieu de l’éducation.

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